Cairns & Grande Barrière de Corail – La fin d’un mythe

Voilà que se profile l’une des raisons majeures de notre road-trip si loin au nord de Sydney : la célèbre Grande Barrière de Corail et son principal port d’accès, la ville de Cairns. En tant que plongeurs désormais confirmés, la seule mention de cet écosystème marin gigantesque suffit à faire briller nos yeux, et nous nous languissons d’enfiler notre matériel et de descendre vers ces fonds réputés magnifiques. Nous sommes toutefois conscients des menaces écologiques qui pèsent lourdement sur le plus grand organisme vivant au monde. Alors, la réalité sera-t-elle à la hauteur du mythe ?

 

Cairns

La route vers Cairns depuis Mission Beach ne compte que 140 kilomètres, mais nous décidons tout de même de couper le trajet en deux parties. Partis en fin d’après-midi, nous montons le camp pour une nuit vers Babinda, qui présente une formation géologique très particulière : les Babinda Boulders. Un puissant torrent d’eau a progressivement sculpté un massif bloc rocheux se trouvant étonnamment à cet endroit. Ce bloc s’est ainsi éclaté en de nombreux cailloux de quelques tonnes, joliment polis par les flots, créant au passage plusieurs bassins assez impressionnant. Après cette étape, nous rejoignons rapidement Cairns au petit matin, admirant pour la dernière les champs de canne à sucre et les passages à niveau rétro où notre route croise celle de ces trains pleins de glucose en devenir.

L’objectif principal de l’après-midi : trouver un prestataire de plongée pour nous emmener sur la Grande Barrière le lendemain. Après avoir visité 3 ou 4 échoppes, nous jetons finalement notre dévolu sur une croisière de 2 jours / 1 nuit sur le Rum Runner. Nous profitons ensuite d’une pause bien méritée au lagon, l’endroit le plus sympa de la ville. Une piscine d’eau de mer en extérieur, dont le sol est sableux par endroits, a été admirablement aménagé au bord de la promenade côtière piétonne, et les agréables pelouses qui bordent cette plage presque-pas-artificielle sont parfaites pour lire au soleil. Quelques petites courses, notamment un CD pour le road-trip à venir à travers l’Outback, et un déjeuner chez Hungry Jacks, l’équivalent australien de Burger King, nous occupent également un moment. Arrive enfin le temps d’une soirée studieuse au camping, passée à préparer les sacs pour la croisière et bloguer un peu.

L’eau a créé à Babinda un ensemble de rochers… cahotiques

 

Le magnifique lagon de Cairns, parfait pour se rafraîchir

 

Grande Barrière de Corail

Nous sommes levés de bonne heure car notre rendez-vous est à… 7h à la marina de Cairns. Nous trouvons facilement une place de parking gratuite et sûre, repérée la veille, et marchons jusqu’au bateau. Après avoir embarqué, nous faisons rapidement la connaissance de quelques personnes du groupe, qui compte 11 individus : Martin, un jeune Allemand en fin de long voyage qui nous renseigne sur l’Amérique du Sud ; Richard, un Anglais relocalisé temporairement à Sydney ; Scott, un Canadien plus âgé qui voyage autour du monde depuis plus de 2 ans, et tout un panel de profils variés. L’équipage est quant à lui composé de Richard (capitaine), Chelsey (instructeur de plongée) et Katie, Kelly & Casper (guides de plongée en formation). En route ! Au moteur avec juste le foc pour stabiliser notre esquif, qui essuie une houle non négligeable : il faut s’accrocher et pour certains bien regarder l’horizon pour ne pas être malades !

Nous arrivons après 2h sur notre lieu de plongée : le récif Thetford, situé sur la partie extérieure de la Barrière, censé être mieux préservée. La première plongée est comme toujours principalement dédiée à retrouver ses sensations, s’adapter au nouveau matériel de plongée loué avec le bateau (combinaisons, poids, masques dont un avec correction ophtalmique pour Jérémy) et aux conditions de la mer : visibilité, température, courant, etc. Le site est correct et l’on voit quelques jolis spécimens de vie aquatique, notamment des Moorish idols (poisson bariolé jaune, noir et blanc avec un long cheveu fin sur la tête qui traîne derrière lui) et une nudibranche circulaire (sorte de limace aquatique, mais beaucoup plus mignonne et colorée !). Casper, qui est en passe de devenir Dive Master (guide de plongée) certifié, mène notre groupe de 8 pendant une grosse demi-heure environ. Cette plongée est courte, il nous restait beaucoup d’air dans les bouteilles, mais nous avons encore 5 plongées supplémentaires au programme, donc nous ne sommes pas frustrés de garder de l’énergie pour les immersions suivantes, sur des sites que l’on espère plus grandioses. Nous retrouvons ainsi les moments de joie (par exemple, le thé chaud et les biscuits en remontant frigorifiés d’une plongée) et de détresse (par exemple, le moment où il faut ressortir dehors dans le froid en maillot de bain et renfiler sa combinaison humide…) associées à une journée de plongée sous-marine !

Voici le Rum Runner, notre camp de base pour les deux prochains jours !

 

Daphné et Martin inspectent leur matériel, dans le vent !

 

Les plongées 2 et 3 sont plus intéressantes en ce qui concerne la variété de la vie marine : arbre-coraux de toutes les couleurs, du rouge au jaune en passant par le noir, des coquillages géants, une école de poissons de quelques centaines d’individus, pour n’en citer que quelques-uns. Cependant, la visibilité est plutôt mauvaise (entre 5m et 10m maximum), ce qui ne nous empêche de voir un ou deux gros poissons et requins que d’autres membres du groupe ont aperçu un peu à l’écart du récif corallien. Plus embêtant, les plongées menées par nos élèves Dive Master, qui travaillent bénévolement sur le Rum Runner en échange de gagner de l’expérience de plongée pour leur diplôme, laissent un peu à désirer. Au-delà d’un manque de maîtrise technique étonnant cf. quelques coups de palmes dans les coraux (!), leur capacité à gérer un groupe sous l’eau est discutable. Résultat : beaucoup de perte de temps de plongée effective à observer la Barrière, et quelques manquements de sécurité basique. Daphné a un peu de mal à décompresser des oreilles et les changements brusques de profondeur n’arrangent pas les choses. Elle finit par avoir vraiment mal à gauche, ce qui l’obligera à remonter plus tôt en la privant qui plus est de la plongée nocturne ! Nous nous demandons si nous n’aurions pas été plus en sécurité et pris plus de plaisir en plongeant seuls en binôme, ce que nos certifications de plongeurs nous permettent de faire, même si cela est toujours un peu aléatoire quand nous découvrons un site nouveau. Heureusement, la nourriture est excellente et copieuse, et le curry thaï du dîner nous requinque un petit peu.

C’est donc sans Daphné que Jérémy plonge de nuit avec quelques autres membres du groupe, la première fois depuis notre apprentissage de la plongée ensemble aux Philippines il y a 2 ans. La sensation de flottaison dans le noir est vraiment grisante, et compense en partie les difficultés à se mouvoir à la torche dans un groupe large et le faible nombre de poissons observés. Le lendemain matin, rebelote pour nos deux dernières plongées ! L’oreille de Daphné va mieux, ce qui nous rassure tous les deux. Nous sommes désormais habitués au matériel, notamment la double combinaison portée pour combattre le froid (3mm full + 5mm shorty), ainsi que les lourds poids (7,5 kg et 6kg respectivement) qui réduisent légèrement notre agilité subaquatique. Les autres plongeurs du groupe se gèrent mieux aussi, ce qui compense les errements des apprentis-dive-masters. La visibilité est montée à 15 mètres, les types de poissons rencontrés se diversifient : poissons-papillons, poissons-lapins, un bébé poisson-ballon, et aussi une murène et une jolie table de corail. Le brunch est roboratif, et la dernière plongée se passe également très bien, avec un groupe plus réduit. Ce deuxième jour nous apporte vraiment de bonnes sensations, qui nous font finir sur une note positive. Comme à chaque fois, nous constatons qu’il faut généralement quelques plongées pour s’accoutumer aux nouvelles conditions matérielles, humaines et maritimes, ce qui justifie le choix de plonger plus de 3-4 fois ! Après un déjeuner glouton, nous rentrons au port via 2h de navigation avec, toujours, une forte houle.

Le soleil se couche à l’horizon, presque la fin de la première journée…

 

… mais il reste encore une dernière plongée !

 

Ainsi, cette croisière-plongée sur la Grande Barrière nous laisse une impression mitigée, voire avec le recul une légère déception. Le site était mythique, nos attentes proportionnellement fortes. Nous aurons finalement été peu chanceux avec les conditions météorologiques et maritimes, et aurons pâti de l’amateurisme du pilotage des plongées par les Dive Masters. Cela est sans doute l’une des contreparties d’avoir un prix de croisière plus abordable, mais on frôlait quand même l’abus. Plus important et plus inquiétant, c’est l’état de la Grande Barrière qui nous a franchement déçu. Les coraux sont magnifiques, mais on a eu l’impression que 80% d’entre eux avaient déjà blanchi, mort à cause du réchauffement de l’eau et sans doute de l’effet négatif des nombreux plongeurs sur le site. Le nombre et la variété de poissons étaient également relativement limités – peut-être avions-nous été habitués à mieux en Thaïlande ou aux Philippines, sur des sites moins connus mais probablement mieux préservés de la plongée de masse. Les scientifiques ont annoncé il y a quelques mois que la Grande Barrière de Corail ne pourrait plus être sauvée, compte-tenu de son état actuel, de sa vitesse de dégradation et des prévisions d’évolution de la température des eaux du globe. Ce que nous avons vu confirme tristement ce constat scientifique. Nous restons donc sur un sentiment un peu mi-figue mi-raisin, mais nous préférerons retenir le plaisir de la flottaison sous-marine, les rencontres avec les autres plongeurs sur le bateau, la joie indescriptible que procure une assiette bien remplie ou une tasse bien chaude après chaque descente et l’envie de peut-être retenter l’expérience sur la Grande Barrière ultérieurement, sur un site différent, un jour, si l’occasion se représente… En attendant, une longue nuit nous attend pour récupérer de tous ces efforts aquatiques !

 

** N’ayant pu emmener notre GoPro sous l’eau pour ces 6 plongées, il n’y a malheureusement pas d’autres images disponibles que celles de nos souvenirs. Mais vous ne ratez pas grand-chose : la visibilité ne rendait pas justice à la vie marine observée 🙂 **

 

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Infos pratiques

Transport :

  • De Mission Beach aux Babinda Boulders : environ 90 km d’une bonne route, effectuée en 1h15. Toujours ces champs de canne et ces trains du passé sur notre gauche !
  • Des Babinda Boulders à Cairns : 65 km sur la Bruce Highway faisable en une petite heure. Rien de majeur à signaler.

Camping :

  • Babinda Boulders : camping moderne et original, construit autour d’un bloc sanitaire posé au milieu d’une sorte de rond-point ! Une douzaine d’emplacements bien délimités. Gratuit.
  • Cairns : une nuit passée au Sunland Caravan Park avant la plongée. Douches et toilettes nombreuses et propres. Bloc cuisine incluant le petit électroménager de base. Wifi limité, seulement près de la réception. Coût de 26 AUD par nuit pour un site non alimenté. Bien pour dépanner mais pas incroyable.

Croisière : deux jours et une nuit en « pension complète » sur le Rum Runner, incluant 6 plongées dont une de nuit ainsi que la location du matériel. Prix réduit en période basse à 440 AUD par personne (réduction de 180 AUD correspondant au prix des 6 plongées). Bon bateau et format 2D/1N intéressant, nourriture bonne et copieuse, mais les dive masters en formation (non payés) manquaient clairement d’expérience. Le lieu de plongée (Thetford Reef) nous a un peu déçu, mais cela est sans doute en grande partie liée aux conditions météo moyennes.

Programme : tous les plongées furent effectuées autour du Thetford Reef :

  • Dive 1 (J1, jour) : Lagoon, début à 11h45.
  • Dive 2 (J1, jour) : Mystery, début à 14h30.
  • Dive 3 (J1, jour) : 360°, début à 16h30.
  • Dive 4 (J1, nuit) : 360°, début à 19h30.
  • Dive 5 (J2, jour) : 360°, début à 7h30.
  • Dive 6 (J2, jour) : Coral Gables, début à 10h, puis retour au port.

 

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