Trek de la Ciudad Perdida – En quête des ruines perdues dans jungle

Notre première dizaine de jours en Colombie nous avait amenée à découvrir Bogota et les nombreux villages coloniaux perchés dans les hauteurs des régions de Boyacá et Santander. Après une nuit de bus, nous voici débarqués dans un tout autre univers : la côte caribéenne ! Santa Marta, la capitale régionale de Magdalena, n’est pas la ville la plus charmante, mais la base idéale pour notre série d’explorations plus aventureuses du nord-ouest du pays. Avec un premier objectif ambitieux : le célèbre trek de 4 jours jusqu’à la Ciudad Perdida (ou « Cité Perdue ») de la Sierra Nevada !

 

Jour 1 – De Santa Marta au camp n°1 de Alfredo (km 8,4)

L’organisation de notre trek la veille du départ fut une simple formalité : un guide certifié est obligatoire et seules quatre agences touristiques proposent cette randonnée à prix fixe. Nous en essayons deux et choisissons assez vite celle qui bénéficie des plus chaudes recommandations – et qui accessoirement nous fait aussi la meilleure réduction sur la visite du désert de La Guajira, mais nous y reviendrons ! On vient donc royalement nous chercher à notre hôtel à 8h30 pour nous amener au bureau de l’agence en ville où nous laisserons un sac rempli d’affaires inutiles pour la randonnée. Là, c’est le choc : une cinquantaine de touristes s’agglutinent devant la porte, contraste saisissant avec le calme de la veille quand nous avons eu l’impression d’être les seuls à réserver ! Ce trek, malgré son prix assez élevé, est donc beaucoup plus populaire que nous l’imaginions.

Nous retrouvons notre groupe de 16 marcheurs, avec un guide et un traducteur attitrés, et montons dans l’un des gros 4×4 direction le début du trek à El Mamey (Machete), au pied de la Sierra Nevada de Santa Marta. A une heure tranquille sur route goudronnée succède une heure de 4×4 sur un chemin de terre à peine carrossable : l’accès n’est effectivement pas fait pour le camping-cariste du dimanche. Un déjeuner à la colombienne nous attend : cuisse de poulet accompagné d’une généreuse portion de riz, lentilles, banane frite, avec une petite salade et un jus de fruit. Nous sommes désormais parés pour attaquer les choses sérieuses.

Après un premier passage à gué, le sentier monte doucement vers les hauteurs. Un paysage de jungle vert et vallonné, aussi chaotique qu’un dessin d’enfant, nous entoure. Le ciel est couvert de nuages gris menaçant, rien à voir avec l’éclatant bleu de la côte pourtant si proche. Le début de la piste est également emprunté par chevaux et mobylettes des indigènes qui vivent ici, ce n’est donc pas la partie la plus confidentielle mais une bonne entrée en matière tout de même. Nous entamons ensuite une longue montée d’environ 2h sous une chaleur étouffante, perdant au passage des litres d’eau. Autant vous dire que la pastèque offerte au sommet de ce premier col est  chaleureusement accueillie 🙂 Plusieurs petites fermes sont éparpillées dans les vallées, mais l’ensemble reste très sauvage. Une redescente raide par un sentier plus étroit et creusé d’ornières nous amène à notre camp du soir, juste avant  une énorme averse que certains autres groupes n’auront pas le privilège d’éviter. Nous choisissons notre lit superposé heureusement protégé d’une cage-moustiquaire, et avons même le luxe de profiter d’une douche froide, ce qui pouvait nous arriver de mieux pour laver les efforts de cette première journée. La soirée est tranquille, entre jeux de dés et dîner de poisson, avant un coucher vers 20h.

Arrivée au point de départ du trek, enfilons nos chaussures de marche !

 

Hautes collines, végétalisées et brumeuses : voici la Sierra Nevada de Santa Marta

 

Notre visiteur du premier soir

 

Jour 2 – Du camp n°1 de Alfredo au camp n°3 de El Paraiso (km 22,3)

La grosse voix de Rafael, notre guide colombien, nous réveille à 5h. Nous sautons dans nos vêtements encore humides de la veille et avalons rapidement un petit-déjeuner à base d’œufs, de toasts au fromage et de fruits. Ce deuxième jour s’annonce probablement comme le plus ardu, nous amenant d’une altitude de 500 mètres à environ 1200 mètres, via trois montées successives entrecoupées de descentes. Ça commence fort avec une heure de grimpette ardue, sautillant de motte de terre en motte de terre pour éviter les trous de boue. La traditionnelle pause pastèque nous revigore avec une succession de collines qui s’enchaînent pendant encore 1h30. Le paysage est assez étrange, avec relativement peu d’arbres et beaucoup d’herbe sur les pentes de la Sierra. Cette déforestation est le résultat d’une histoire conflictuelle dans cette région, où les milices paramilitaires et les FARC ont exploité ces terres indigènes d’abord pour faire pousser de la marijuana dans les années 1950, puis de la coca transformée ensuite en cocaïne dans les années 1970. Le gouvernement colombien, fortement incité par les Etats-Unis, a mis le holà à ces pratiques en sécurisant la zone puis en l’ouvrant au tourisme après la redécouverte de la Cité Perdue, au grand soulagement des quatre populations indigènes distinctes qui habitent ces versants : les Arhuaco, les Wiwa, les Kogi et les Kankuamo.

Nous atteignons ensuite le groupe de huttes en roseau tressé de Mutanyi, centre cérémoniel Kogi remplissant aussi les fonctions d’hôpital pour les indigènes malades. Caractéristique spécifique de ces maisonnettes, deux bâtons verticaux ornent le haut du toit conique de d’entre elles : ils font références aux pics de Pics de Colomb et Bolivar, 5775 mètres, points culminant de la Sierra Nevada de Santa Marta, qui est la montagne côtière la plus haute du monde, à seulement une quarantaine de kilomètres de la mer ! Sans aller aussi haut, nous arrivons tout de même au camp de Mumake où un plongeon dans la rivière nous rafraîchit avant le déjeuner. Il fallait bien cela pour attaquer la montée la plus difficile du trek, une heure trente de pente raide à suer à grosses gouttes sous le soleil tropical de la mi-journée. Les ananas et oranges coupées au sommet sont avalés en une fraction de seconde ! Il est 13h30 quand nous nous lançons dans le dernier tronçon sous une pluie orageuse naissante, et nous nous hâtons pour arriver au camp avant le déluge. Là encore, un mince filet d’eau froide nous fait l’effet d’une douche de roi, ainsi… qu’une énorme bassine de pop-corn qui accompagne savoureusement notre partie de cartes endiablée avec 6 autres personnes de notre groupe jusqu’au dîner. Les discussions se poursuivent, tout comme la pluie torrentielle qui fait gonfler une rivière menaçante charriant des tonnes de boue vers le bas de la montagne…

Cette rivière, théâtre de nos nombreux passages à gué & baignades

 

Rafraîchissement généralisé pour cette famille indigène

 

Notre visiteur du deuxième soir

 

Jour 3 – De El Paraiso à la Ciudad Perdida (km 23,3) puis au camp n°2 de Mumake (km 14,9)

Le traditionnel réveil à 5h du matin est rendu difficile par l’humidité totale qui nous entoure : rien n’a séché pendant cette nuit de déluge. Nous sacrifions nos rares vêtements propres en complément de notre pantalon et paire de chaussures trempés, avec un sentiment d’excitation naissant. En effet, nous ne sommes plus qu’à un kilomètre du début de l’escalier de 1200 marches de pierre qui doit nous amener à la Cité Perdue ! Après avoir longé la rivière, nous devons la retraverser une énième fois. Problème : point de pont suspendu comme la veille, et les fortes pluies de la nuit ont fait monter le niveau d’eau ! Il nous faut donc marcher une trentaine de mètres avec de l’eau jusqu’à la taille et un fort courant latéral, en tentant de sauver notre appareil photo de la noyade ! Une personne de notre groupe se fera même emporter par les flots (!), heureusement rattrapée par notre guide quelques mètres plus loin : ouf ! Le guide d’un autre groupe y perdra ses chaussures en essayant de sauver son sac ! Remis de nos émotions, nous montons les marches irrégulières couvertes de mousse pour enfin retrouver la fameuse Cité, environ 1200 mètres au-dessus du niveau de la mer.

N’ayant volontairement pas trop regardé d’images des lieux avant d’y arriver, nous sommes agréablement surpris par son ampleur. Si les structures en bois du peuple Tayrona ont depuis longtemps disparu, les terrasses de pierre qui les soutenaient sont bien conservées et s’échelonnent joliment sur une sorte de crête vers les sommets. La Cité fut a priori fondée vers 800 après JC sous le nom de Teyuna, pour atteindre son apogée au XVème siècle durant lequel elle abritait plusieurs milliers de personnes en tant que centre politique et culturel du peuple Tayrona. Lorsque les conquistadores espagnols arrivèrent au début du XVIème siècle, ils essayèrent d’évangéliser les tribus indigènes de la côte, en s’emparant au passage de leurs trésors. Voyant que leur stratégie était vaine, ils revinrent quelques années plus tard animés d’intentions plus belliqueuses à base d’armes à feu et de maladies européennes, mais ne parvinrent jamais à grimper à plus de 500 mètres d’altitude dans la Sierra Nevada de Santa Marta, repoussés par les flèches empoisonnées des Tayronas. Voyant dans cette invasion un châtiment divin, les Tayronas quittèrent néanmoins le site pour se réfugier plus profondément dans les montagnes, où leur civilisation s’éteignit lentement dans les années suivantes. La Ciudad Perdida tomba ensuite dans l’oubli, seulement redécouverte officiellement en 1972 par les Sepulveda père et fils, des chasseurs de trésors. Leur trouvaille commença à s’ébruiter lorsque des objets d’or et des poteries arrivèrent sur le marché noir, et le gouvernement pris le contrôle du site en 1975. A partir de cette date, le site fut connu sous le nom de Green Hell (« l’Enfer Vert »), en référence aux affrontements sanglants entre forces gouvernementales, paramilitaires et FARC pour prendre le contrôle de la Sierra Nevada. Ce n’est qu’au début des années 2000 que la Ciudad Perdida pris son nom actuel et fut ouverte plus largement au tourisme.

Nous nous promenons deux heures au milieu de ces vestiges archéologiques, au gré des explications de nos guides sur le peuple Tayrona et sa culture. Nous montons par l’axe central, passons près de la maison du chaman, toujours habitée par celui-ci quand il est présent sur les lieux, et la carrière de laquelle les pierres des plateformes ont été excavées, puis revenons à l’escalier de pierre pour redescendre vers la rivière, séduits par ce lieu majestueux. Il est déjà l’heure de revenir au campement pour un nouveau déjeuner, avant de revenir sur nos pas pour redescendre la montagne. Pendant trois heures, nous parcourons en sens inverse les cols escaladés pour arriver jusqu’à la Cité Perdue, jusqu’au camp n°2 où nous nous étions baignés la veille. La soirée est marquée par les traditionnels pop-corn et jeux de cartes, mais aussi et surtout par le discours d’un chef spirituel Kogi, qui nous parle à nous Petits Frères de son peuple, sa culture, son histoire et sa poporo, objet sacré que tous les hommes indigènes de plus de 18 ans portent constamment sur eux. Cet étrange objet, constitué d’une calebasse creuse surmontée d’un cylindre de bois, sert à mélanger feuille de coca, coquillages broyés sous forme de poudre et salive pour constituer une sorte de pâte qui entoure progressivement le col du poporo d’un anneau blanchâtre. Au-delà de l’effet de la feuille de coca sur le cerveau du propriétaire, cet objet est censé représenté le mode de pensée et est offert au chaman lorsqu’il est achevé… qui demande alors généralement à l’homme Kogi de commencer à en fabriquer un nouveau !

Voilà les restes de la fameuse Ciudad Perdida !

 

On confirme : les ruines sont bien perdues au milieu de la jungle

 

Quelques-unes des 169 terrasses du site !

 

Attention à ne pas glisser dans l’escalier

 

Embouteillage lors du  complexe passage de rivière pour accéder à la Cité Perdue…

 

Jour 4 – Du camp n°2 de Mumake (km 14,9) à Santa Marta

La dernière journée est une version inversée du premier jour et demi de montée. Loin d’être une simple formalité, cette dernière étape avant le retour en 4×4 comporte deux ascensions qui nous feront mal aux jambes. Mais elle sera surtout marquée par des conditions climatiques dégradées, avec une pluie forte qui finira de nous tremper ! L’eau ruisselle sous nos pieds, creusant sillons et créant torrents de boue pour terminer ce trek dans des conditions dantesques. C’est donc à moitié aveuglés et extrêmement sales que nous arrivons finalement à notre point de départ pour un ultime déjeuner. Là, l’influence caribéenne commence déjà à se faire sentir, et les rayons de soleil reviennent timidement : le microclimat de la Sierra Nevada de Santa Marta n’en finit pas de nous étonner ! Après un retour en voiture en chansons, entre reggaeton sud-américain et Francis Cabrel, il est l’heure de dire au revoir à certains de nos compagnons d’aventure qui partent immédiatement vers Palomino. De notre côté, nous louperons notre transfert direct vers le Parc Tayrona à cause d’une mauvaise communication de l’agence : dommage, mais qu’à cela ne tienne, nous aurons donc un jour de repos à Santa Marta pour récupérer  et laver nos vêtements avant de repartir vers de nouvelles aventures !

Notre opinion d’ensemble sur ce trek exigeant est donc positive ! La chaleur et la pluviométrie forte alliées à une alternance sans fin de montées et descentes représentent un défi sportif qui plaira aux mieux entraînés, mais qui reste à la portée d’une personne en condition physique normale. La découverte de la Ciudad Perdida elle-même fut une bonne surprise pour nous et a plutôt dépassé nos attentes, même si le site – souvent considéré comme le deuxième en importance derrière le Machu Picchu – est clairement moins grandiose que son homologue péruvien. Ceci étant dit, la Cité Perdue n’est accessible que pour les randonneurs, ce qui la préserve encore de l’affluence du tourisme de masse du Machu Picchu, donnant ainsi le sentiment d’être un peu plus privilégié et d’entrer dans un lieu confidentiel. Globalement, les agences touristiques sont très professionnelles et le rythme ainsi que le découpage du trek en quatre jours extrêmement bien organisé. Le prix fixe est sans doute une bonne chose pour réguler plus facilement l’éclosion du tourisme en Colombie, mais il reste cependant élevé (850 000 pesos par personne soit environ 250 euros en 2017) et augmente rapidement. De notre point de vue, ce prix ramené au coût de la vie en Colombie est difficilement justifié par le service rendu : le niveau de confort et de propreté des hébergements est plus que basique ; la boue et l’humidité prégnante tout au long du parcours rebuteront la majorité des voyageurs qui espèrent une hygiène digne de ce nom. Ouvrir une route différente pour le chemin du retour ou fournir un service plus premium pourraient améliorer ce rapport qualité-prix, mais nuiraient potentiellement à l’aspect aventureux de la randonnée actuelle. Il n’en demeure pas moins que nous avons vraiment aimé ce tour, aidé en cela par un groupe rapide et sympa et des guides sérieux, et recommandons à tout amoureux de la nature et des civilisations précolombiennes de s’y lancer les yeux les fermés !

Un groupe d’enfants Kogi dans leur robe blanche unisexe

 

Le mignon village Kogi de Mutanyi

 

Notre visiteur du dernier jour

 

Plus de photos de Ciudad Perdida, c’est par ici !

 

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Infos pratiques

Transport :

  • De San Gil à Santa Marta : bus de nuit via l’entreprise Expreso Brasilia. Sièges inclinables ou « semi-camas » très confortables, films jusqu’à 23h. Prix de 60 000 pesos par personne. Durée théorique de 12h de trajet, durée réelle autour de 14h30 pour nous. Deux autres compagnies ont également un bus qui part à 19h ou 20h. Possibilité de payer un peu moins cher si vous acceptez de changer à Ciénaga, 45 minutes avant Santa Marta. Du terminal de bus de Santa Marta au centre, comptez 7000 pesos en taxi.
  • De Santa Marta à El Mamey : 2h de route en 4 roues motrices, incluses dans le prix du tour. La première heure se fait sur une route nationale, la seconde sur une piste hyper accidentée : accrochez-vous !

Hébergement : hôtel Media Luna (calle 30, 4a-214), propre et plutôt basique. Légèrement excentré au sud mais possibilité de marcher jusqu’au centre en environ 25 minutes à pied. Nuit négociée à 40 000 COP par nuit (la première fois avec climatisation, la seconde fois avec ventilateur uniquement).

Trek de la Ciudad Perdida : prix fixe de 850 000 COP par personne quelle que soit l’agence. Nous avons choisi Expotur, recommandée par le Lonely Planet. Nous avons comparé le service commercial avec Magic Tour et Turcol, qui nous ont paru moins intéressants. Durée de trek de 4 jours. Une version en 5 jours est parfois proposée, au même prix, mais peu intéressante car elle semble seulement faire une différence sur le dernier jour du trek – ce qui ne nous paraît pas très pertinent – et casserait le séquençage équilibré et bien rôdé des 4 jours. Niveau de confort basique tout au long du trek mais nourriture très correcte en quantité et qualité. S’attendre à marcher dans l’eau et la boue quelle que soit la saison, sauf peut-être aux alentours de janvier.

 

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