La Côte Ouest – Nature sauvage, univers impitoyable

Hostile : c’est probablement l’adjectif que les premiers navigateurs et colons européens eurent à l’esprit en découvrant la partie occidentale de l’Île Sud de la Nouvelle-Zélande. Coincée entre la tumultueuse Mer de Tasmanie et les Alpes du Sud, chevauchant deux plaques tectoniques majeures, la Côte Ouest est un environnement unique, sauvage, qui regorge de curiosités climatiques et géologiques. Un exemple chiffré : il tombe chaque année plus de 5 mètres d’eau sur cette région inhospitalière ! On comprend aisément pourquoi seul 1% de la population néo-zélandaise habite cet espace comptant pour 9% du territoire total, ainsi que le caractère en acier trempé nécessaire pour (sur)vivre dans de telles conditions… Enfilez vos K-way et bonnets, ça va décoiffer !

Quelque chose me dit qu’on va bientôt regretter la sérénité du Lac Hawea… 😉

 

Le début de notre trajet constitue une transition en douceur entre les lacs de montagne de Wanaka et la ville de Haast, qui marque note entrée sur la côte ouest. Deux courts arrêts (Blue Pool, cascade Thunder Creek) permettent de nous dégourdir un peu les jambes. Haast, nommée d’après le géologue allemand qui serait le premier occidental à avoir traversé les denses forêts du centre jusqu’à cet endroit, ne présente guère d’intérêt. Un arrêt rapide au DOC nous permet de prendre quelques brochures et informations, puis nous poursuivons notre chemin.

Plutôt que de filer immédiatement vers le nord et les glaciers, nous décidons d’aller jusqu’au bout de la route sud. Une cinquantaine de kilomètres plus loin, nous arrivons dans l’enclave méridionale de la Côte Ouest, seulement accessible par la route que nous venons d’emprunter : voici Jackson Bay ! Ce minuscule hameau où vivent quelques pêcheurs a réellement des airs de bout du monde. Seul port naturel de la Côte Ouest, il fut l’objet d’un plan de peuplement ambitieux au XIXème siècle : les premiers colons débarquèrent en 1875 pour exploiter le bois et les mines alentours, mais finirent par fuir quelques années plus tard, leur volonté réduite à néant par la pluie incessante et leurs cultures ayant pourri sur pied ! Aujourd’hui, chose rare, le soleil est de la partie et réchauffe notre pause-déjeuner, avant de repartir en sens inverse. Un conséquent  tronçon de 170 kilomètres nous séparant alors de notre destination du jour, nous coupons encore une fois l’effort à Ship Creek, peu après Haast. Une petite marche le long d’une forêt marécageuse bordant une magnifique plage dorée battue par le vent est un pur plaisir des yeux ! Des kilos de bois mort jonchent le sable, poussés par de forts courants, et l’épave d’un navire ayant coulé près de l’Australie aurait même échoué ici, donnant ainsi son nom à la crique !

Jackson Bay, la crique-du-bout-de-la-route !

 

Plaque commémorative en l’honneur des premiers colons

 

Ship Creek, à gauche…

 

… et Ship Creek, à droite !

 

L’après-midi est déjà bien avancée quand nous atteignons le site le plus incontournable : les fameux glaciers Fox et Franz Joseph ! Bien que la Nouvelle-Zélande compte plus de 300 glaciers, ces deux-là sont de loin les plus accessibles, ce qui en font des destinations touristiques de premier choix ! Fox et Franz Joseph figurent en effet parmi les glaciers les plus proches d’un océan à ces latitudes (i.e. excluant les pôles), et peuvent descendre jusqu’à seulement 300 mètres au-dessus du niveau de la mer en hiver !

Le Glacier Fox est le premier que nous rencontrons et est considéré comme le plus petit, le plus calme et le plus accessible des deux. Une courte marche d’une heure aller-retour dans la vallée glaciaire permet de s’approcher à quelques centaines de mètres seulement de la face terminale du glacier ! Impossible de marcher sur la glace cependant : seul un transport en hélicoptère permet de se faire déposer sur le glacier lui-même, accompagné d’un guide certifié. La raison est simple : le glacier « avance » d’environ 50 à 60 cm par jour, créant un environnement en mutation perpétuelle, dangereux et impossible à sécuriser pour les gardes du parc national.

Si le fait de rencontrer ce glacier est exceptionnel en soi, point de pics enneigés ou falaises blanches à perte de vue : la glace de Fox est bleutée-noire, et pas vraiment photogénique 😉 Il nous faudra nous rendre en voiture à un autre point de vue pour apercevoir plus de neve blanche dans la zone d’accumulation, au sommet de la montagne.

La plage de Gillespies, à l’ouest, nous offre l’un des campings les plus pittoresques de notre road-trip ! Nous trouvons un superbe emplacement et profitons du coucher de soleil devant la mer, assis sur les galets, avec la chance complètement fortuite d’apercevoir des dauphins d’Hector qui viennent respirer près du bord ! Nous nous couchons le sourire aux lèvres, fatigués des kilomètres parcourus mais éblouis une fois de plus par la nature environnante et les paysages incroyables traversés.

Aperçu dégagé sur le Glacier Fox (en fin d’été néo-zélandais)

 

Esthétiquement discutable, mais visuellement impressionnant !

 

Soirée posée au camping, sur la plage de Gillespies

 

Le lendemain, avant l’aube, nous reparcourons dans le noir les 20 kilomètres de piste, puis autant de macadam, pour arriver aussitôt que possible au pied du Glacier Franz Joseph. Il est 8h30 : c’est parti pour une randonnée de plus de 4h aller-retour vers Robert’s Point, censé nous donner le meilleur angle sur ce second glacier ! Le parcours grimpe beaucoup, passe par 4 ponts suspendus et 1 escalier accroché à la falaise, et se révèle plus ardu que prévu. Mais ces difficultés sont rapidement balayées par les belles vues sur la vallée glaciaire en contrebas, et enfin le sommet ! Les nuages nous font même le plaisir de s’écarter quelque peu pour nous permettre de profiter du monstre glacé, probablement plus impressionnant que la veille. Après un snack rapide, la descente technique par le même sentier nous ramène à la voiture et à la mignonne « Piscine de Pierre » (Peter’s Pool), dans laquelle se reflètent les montagnes.

La face terminal du Glacier Franz Joseph, depuis Robert’s Point

 

La « bouche » du monstre de glace…

 

Peter’s Pool, nommée d’après le petit boy-scout de 9 ans qui a découvert l’endroit

 

Attention sur la route tout de même !

 

Nous avalons de nouveau les bornes, passons Okarito et nous arrêtons au bord du Lac Ianthe pour la nuit et notre première rencontre avec le weka, un canard brun local sans ailes ! Suite du programme avec la Gorge d’Hokitika, à laquelle on accède via des vallons boisés quasi-auvergnats, à travers de grands champs, cultivés ou peuplés de centaines de vaches. La région est fertile : c’est l’endroit du pays où la pluviométrie est maximale ! Les monts bloquent et accumulent les nuages venant de la Mer de Tasmanie, mais sont trop bas pour transformer cette eau en neige… qui retombe donc en trombe dans les gorges 🙂 L’eau bleue turquoise qui y coule est magique – même si le phénomène scientifique qui lui donne cette couleur est tout à fait rationnel : un mélange de rivière, d’eau de glacier et de fragments de roches appelés « farine glaciaire » est responsable de cette belle teinte bleutée !

Les nombreux phlébotomes (mouches de sable) nous rabattent rapidement vers la petite ville d’Hokitika, une jolie bourgade historiquement fondée lors de la ruée vers l’or fin XIXème. Nous profitons de la bibliothèque municipale pour nous relayer sur le blog, tandis que l’autre flâne le long de la « Promenade Héritage » (Heritage Walk), qui donne à voir l’emplacement de l’ancien port, des premières échoppes et autres services de l’époque. La longue plage de sable gris et les galeries de bijoux en pounamu (pierre verte proche du jade, vénérée et très recherchée par les tribus Maoris) sont autant d’attraits supplémentaires. Le fish & chips emporté comme pique-nique au cap devant un parterre de mouettes finit de nous séduire, et c’est à regret que nous quittons la paisible Hokitika pour la suite de notre périple.

La magnifique Gorge d’Hokitika avec ses eaux bleues limpides

 

On imagine aisément le gardien du phare scruter les navires égarés par gros temps !

 

L’une des premières échoppes de la ville, bien conservée

 

Utilisation maline des kilos de bois mort amenés par les courants sur la plage

 

Dernier lieu d’intérêt sur notre liste : les « pancakes de Punaikaki » ! Le mystère de ces formations rocheuses uniques ressemblant à des piles de crêpes a longtemps résisté aux géologues. Aujourd’hui encore, un doute subsiste sur la manière dont cette curiosité de pierre s’est formée, même si l’hypothèse d’une alternance de deux couches calcaire sédimentaires résistant plus ou moins bien à l’érosion expliquerait cette anomalie ! Le crachin permanent qui nous assaille rajoute encore à l’aspect fantastique du site. Les vagues féroces arrachent petit à petit des morceaux de littoral, jaillissent de failles infernales dans la falaise, mais ne semblent pas pouvoir décramponner les algues « cheveux de sirène » qui s’accrochent au bas des rochers… Ça y est, nous sommes remontés aussi haut que nous souhaitions le long de la Côte Ouest, et la météo empire à vitesse grand V : il est désormais temps pour nous d’entamer la traversée des Alpes du Sud pour retourner sur la côte est via la mythique route d’Arthur’s Pass !

Les fameux pancakes (qui croquent bien sous la dent) !

 

Dernière vision de la Côte Ouest… Sauvage, on vous dit !

 

Plus de photos de la Côte Ouest, c’est par ici !

 

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Infos pratiques

Trajet :

  • De Wanaka à Haast : 145 km de route parcourus en environ 2h30. Transition progressive depuis la zone des lacs, à travers des petites routes serpentant entre les montagnes pour se frayer un chemin jusqu’à la Mer de Tasmanie.
  • De Haast à Jackson Bay : 100 km aller-retour, environ 1h de route plus l’arrêt déjeuner sur la plage. Le seul restaurant de Jackson Bay, spécialisé dans les écrevisses, semble avoir bonne réputation, mais nous ne l’avons pas testé !
  • De Haast à Fox Glacier : 120 km de route côtière, compter 1h30 à 1h45 à bonne allure le long des montagnes.
  • De Fox Glacier à Franz Joseph Glacier : seulement 23 km, une petit demi-heure à jouer à cache-cache avec les sommets enneigés.
  • De Franz Joseph Glacier à Hokitika (ville) : 140 km de route plutôt facile, toujours le long des Alpes du Sud, un peu moins de 2h.
  • De Hokitika (ville) à la Gorge d’Hokitika : 70 km aller-retour dans un paysage auvergnat, environ 1h à 1h15 de trajet.
  • De Hokitika à Punaikaki : 85 km sous une pluie continue avec beaucoup de virages serrés, un peu plus que l’heure et demi théorique.

Hébergement :

  • Gillespies Beach : magnifique camping DOC, avec un accès assez difficile (20 kms depuis la route principale dont 12 kms de piste en gravier) mais qui vaut le coup ! Superbe paysage, possibilité de combiner avec des marches de durées variables pour visiter des reliques historiques ou observer la faune marine depuis la plage. Ambiance bonne enfant sans trop de monde, abri pour cuisiner, tables en bois et toilettes sèches. Tarif de 8 NZD / nuit / personne.
  • Lake Ianthe : camping DOC également, en bord de lac. Malheureusement, trop de bruit à cause de la proximité avec la route et pelouse en pente très humide quand il pleut. Deux abris pour cuisiner et toilettes sèches. Wekas gourmands qui viennent picorer la tente dès le lever du soleil. L’un des moins bons campings utilisés pour l’instant… Tarif de 8 NZD / nuit / personne.

 

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