Notre traversée du nord argentin d’ouest en est, de Salta à Iguazu, est géographiquement interrompue par une frontière internationale : celle du Paraguay ! C’est une occasion unique de traverser ce pays méconnu, généralement évité par les circuits touristiques classiques. Nous décidons donc d’y passer quelques jours sans a priori, en commençant par sa capitale Asuncion. Alors, verdict ?
Un long trajet depuis Salta via deux bus nous amène aux portes du Paraguay en 24h de déplacement. Le passage de frontière au niveau d’Asuncion est hyper efficace, l’un des plus rapides du continent d’après notre expérience ! Pour un pays qui fut jusqu’à récemment réputé pour être le plus corrompu d’Amérique du Sud, nous sommes soulagés et agréablement surpris ! Nous arrivons ainsi dans cette ville intrigante en fin d’après-midi, avec en tête l’idée d’y passer un à deux jours, a priori suffisants pour s’imprégner de l’ambiance. Nous estimons donc plus simple de nous baser près du terminal terrestre, situé à 8 kms au sud-est du centre historique, pour minimiser le nombre de transferts. Fut-ce une erreur ? Nous commençons à le penser en visitant les hôtels près de la gare, qui se révèlent soit très chers soit très glauques, parmi les pires vus en Amérique Latine… Nous finissons par trouver un hébergement correct et ressortons pour notre premier repas dans le pays.
Les options gastronomiques sont pour le moins limitées, quasi-exclusivement constituées de parrillas de rue (sorte de barbecue au grill). Tout le monde suit attentivement le match de foot de l’équipe locale : certains préfèreront même nous dire qu’il n’y a pas de chambre disponible ou qu’ils ne servent pas à manger plutôt que de décoller leurs yeux de l’écran ! Finalement, nous rentrons par défaut dans une taverne sans menu affiché en face de l’hôtel, et la patronne égrène 3 ou 4 choix de plats à l’oral. Nous sommes les seuls clients. Pour donner le change, nous dînons d’un plat de gnocchis, dont nous découvrirons plus tard qu’il s’agit du plat national, autrefois mangé quotidiennement par les populations les plus pauvres. Il y a même un « jour du gnocchi » le 29 de chaque mois : c’était traditionnellement le jour de paie, et donc le seul jour sans gnocchi quand les travailleurs pouvaient se payer le luxe de manger autre chose !
Les fameux gnocchis… pas très ragoûtant mais bon quand même
Quelques restes coloniaux dans les rues d’Asuncion
Le lendemain, direction le centre-ville ! Un bus urbain désuet mais plutôt efficace nous dépose non loin de l’office du tourisme SENATUR, assez moderne et géré par un personnel plein de bonne volonté. Suivant leurs recommandations, nous explorons d’abord la Casa de la Independencia (Maison de l’Indépendance). Un embryon de visite guidée nous donne quelques (rares) clés de compréhension, et nous parcourons par nous-mêmes les 5 pièces de cette résidence, autrefois domicile du dernier Gouverneur espagnol. Les meubles d’époque sont assez représentatifs de la période coloniale, sans pour autant être d’une richesse mémorable. Dehors, dans la cour, les employés de la Casa boivent avec une intense concentration leur mate de hierba ou terere, sorte de boisson nationale proche d’un thé, qui se boit dans un verre recouvert de peau ou de cuir avec une paille métallique qui permet de filtrer le petit tas d’herbe entassé qui flotte sur l’eau bouillante au fond de la tasse.
Nous marchons ensuite jusqu’à la cathédrale, censée être l’un des monuments les plus majestueux de la ville. Son parvis est à mi-chemin entre un parking et un square délabré, un modèle d’urbanisme en quelque sorte… Nous remontons ensuite vers l’ouest du centre, passant devant quelques bâtiments officiels peinturlurés récemment de couleurs pastel d’un goût discutable. Ces édifices dénotent au milieu de grandes avenues presque vides et d’espaces verts mal entretenus, donnant à l’ensemble un surprenant côté soviétique. Au palais gouvernemental, assez intéressant architecturalement par ailleurs, il manque des vitres aux fenêtres du premier étage : un triste signe représentatif de l’état du pays… Les militaires qui montent la garde nous font signe de ne pas trop nous éterniser dans les parages. Quelques blocs plus loin se trouve la Manzana de la Rivera, un centre culturel éclectique abritant pêle-mêle une exposition de peinture géométrique – dont la seule autre visiteuse n’est autre que l’auteure Osvaldina Servian elle-même, avec qui nous échangeons quelques mots –, un musée de la harpe, des dessins de l’école d’art du quartier et quelques pièces d’architecture mal mises en valeur. Là encore, le personnel se donne visiblement du mal pour nous intéresser, sans y parvenir totalement, ce qui nous fait quelque part un peu de peine.
Bombilla pour boire le mate : version XVIIIème siècle vs. XXIème siècle !
Le bureau sur lequel a été signée la déclaration d’indépendance du Paraguay
Aperçus flatteurs du palais présidentiel
Notre oeuvre préférée de l’exposition Servian
Nous remontons la Rue Palma, l’artère principale de la ville, et stoppons pour déjeuner d’une milanesa de pollo et d’empanadas, d’une grande banalité en Amérique du Sud mais unique alternative aux gnocchis. Notre dernière tentative culturelle est le Musée Ethnographique du Docteur Andres Barbero, un ethnologue passionné qui a passé sa vie à collectionner des items indigènes paraguayens, notamment issus des tribus chaqueños et guaranis. Arcs, urnes funéraires, parures en plumes de perroquets, tissus et autres colliers de pierres s’accumulent devant nos yeux, dans une muséographie rétro du début du XXème siècle, incluant les sempiternelles photographies en noir et blanc de l’explorateur européen posant aux côtés d’autochtones peu vêtus. L’ensemble se veut respectueux, mais on est plus proche du mythe du Bon Sauvage que d’une mise en valeur politiquement correcte ! Il est tout juste 14h quand nous rentrons à l’hôtel pour profiter de l’air climatisé, un luxe par cette chaleur étouffante. C’est la première fois du voyage que nous prévoyons entre 24h et 48h pour un endroit, et que nous jetons l’éponge après à peine une demi-journée, faute d’intérêt ! Le soir, nous faisons le tour de plusieurs pâtés de maisons en quête d’une expérience gustative digne de ce nom, mais aucun restaurant correct ne semble exister, et c’est retour à la case départ, à la même gargote que la veille… pour une assiette de gnocchis, pardi !
En résumé, nous avons donné sa chance à Asuncion, sincèrement curieux de voir ce que cette capitale avait à offrir. Tout ce que l’on peut conclure, c’est que la ville figure rarement sur les itinéraires des voyageurs en Amérique du Sud, et on a compris pourquoi !
L’item le plus vendu de la Rue Palma n’est pas la paire de chaussures à talon !
Fresque intéressante à plusieurs niveaux de lecture…
Plus de photos d’Asuncion, c’est par ici !
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Infos pratiques
Transport :
- De Salta à Asuncion : un bus par jour de la seule compagnie Flecha Bus va de Salta à Formosa, avec départ à 15h et arrivée à 6h du matin, pour un coût de 1190 ARS par personne. Après 6h d’attente au terminal de Formosa, un unique bus direct de la compagnie El Pulqui conduit à Asuncion, avec départ à 12h35 et arrivée à 16h15, pour un coût de 261 ARS par personne. Deux autres compagnies affichent des bus pour Asuncion, mais aucune ne semblait réellement les proposer. L’autre option depuis Formosa est de prendre l’un des bus fréquents pour Clorinda, la ville-frontière côté argentin, puis d’effectuer les formalités douanières par soi-même et reprendre un transport de l’autre côté. Tenter ce scénario un dimanche après-midi sans infos disponibles ne nous a pas paru le plus simple…
- Dans Asuncion : le bus n°38 est le plus rapide entre le centre historique et le terminal. Prix d’un ticket entre 2000 PYG et 3300 PYG, payable en liquide au chauffeur.
- D’Asuncion à Encarnacion : plusieurs compagnies proposent ce trajet à toute heure. Pour nous, trajet avec San Juan Rio Paraguay, départ à 7h et arrivée à 14h avec 1h30-2h de retard. Prix de 65 000 PYG par personne, mais les bus plus luxueux coûtent 80 000 PYG pour un trajet en théorie plus direct et avec moins d’arrêts.
Hébergement : Hostal Sol, situé dans la Calle Cedro en face du terminal de bus, qui compte plusieurs autres hébergements. Chambre simple, propre, climatisée, avec salle de bains privative et entrée de l’immeuble sécurisée. Bon rapport qualité-prix à 70 000 PYG la nuit pour une chambre double.
Visites / activités :
- Balade à pied dans le centre historique : intéressant pour se donner une vue d’ensemble du cœur de la ville. Activité gratuite.
- Casa de la Independencia : ancienne résidence du dernier gouverneur espagnol avec mobilier colonial. Intéressant d’y jeter un coup d’œil. Entrée gratuite.
- Manzana de la Rivera : centre culturel regroupant expositions permanentes et temporaires dans une ancienne maison bourgeoise. Personne attentif mais intérêt des présentations aléatoires. Entrée gratuite.
- Museo Etnografico Dr Andres Barbero : musée ethnologique sur les tribus indigènes paraguayennes, situées à quelques blocs du centre. Ne pas hésiter à sonner et réveiller le gardien dans sa sieste, car vous serez sans aucun doute les seuls touristes ! Don bienvenu.