Notre court séjour au Paraguay se poursuit dans le sud du pays, autour de la ville frontalière d’Encarnacion. Dans les villages proches se trouvent les restes d’un réseau de missions jésuites impressionnantes. Sept d’entre elles bien conservées parmi les 30 originales, disséminées dans 3 pays (Paraguay, Argentine, Brésil), ont été classées au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Partons donc sur les traces des missionnaires du 17ème siècle !
La première aventure consiste à trouver l’information nécessaire pour se rendre dans ces fameux lieux : à Encarnacion, point d’office du tourisme et encore moins d’agence vendant des excursions ou moyens de transport… Nous parcourons pourtant la ville à pied pendant près de 2 heures, constatant par-là l’absence totale de point d’intérêt majeur. Nous dégustons une glace trop sucrée sur la place centrale, l’occasion de voir encore une fois à quel point les Paraguayens sont accros au terere, cette infusion d’herbe pour laquelle ils transportent tous un verre rempli de maté, une paille métallique et un thermos format familial (de ceux qu’on trouve aussi dans certains hôtels, avec une pompe intégrée et au moins 2 litres de contenance) ! Une sorte de plage borde le Rio Parana, très large à cet endroit, et de l’autre côté se dresse la ville argentine de Posadas avec ses tours bien plus modernes. C’est finalement à notre hôtel que nous trouverons une explication correcte et prenons donc le lendemain un bus très matinal à destination de Ciudad del Este en demandant à être déposés à Trinidad.
La plage d’Encarnacion
Les ruines de Trinidad nous attendent à environ 15 minutes à pied de la route nationale et facilement accessibles. Nous profitons de la lumière du matin et d’être les premiers sur les lieux pour faire quelques photos et découvrir le site à notre rythme. L’ordre des Jésuites envoya des missionnaires évangéliser les tribus de la région dès 1609. A force de travail et de persévérance, ils persuadèrent des milliers d’autochtones guaranis de les suivre et de fonder des missions, sortes de communautés autonomes et utopiques. Ils construisirent ainsi de solides villages en pierre de taille : l’église trône en son centre, précédée d’une place principale où se déroulait la plupart des évènements de la vie de la communauté. Autour, les maisons où se logeaient les indigènes, en rangées bien ordonnées, entourées d’un couloir à arcades couvert, permettant de circuler à l’abri des éléments. Sur le flanc de l’église, une cour privée réservée aux prêtres et à leurs élèves ; sur son pourtour, des salles de classe et des ateliers où étaient enseignés le latin, les sciences, mais aussi la peinture ou la sculpture. Enfin, à l’arrière, on trouve un grand verger protégé où poussaient toutes sortes de fruits et légumes destinées à la consommation propre. Les sites choisis étaient souvent en hauteur et dégagés, permettant de surveiller les alentours et d’anticiper les raids des pilleurs portugais : un campanile sonnait alors les cloches pour prévenir les habitants et le son portait jusqu’à la mission suivante, le signal d’alerte se propageant ainsi très rapidement.
Les arcades des résidences indigènes
La nature a partiellement repris ses droits
L’église, pièce centrale de la mission
Seuls 2 ou 3 pères sur chaque lieu dirigeaient ainsi la construction puis le développement de ces communautés pouvant aller jusqu’à 4000 locaux, pour un total sur l’ensemble du territoire culminant à 140 000 âmes au début du 18ème siècle ! Devenus trop puissants, les Jésuites furent chassés des terres sous pouvoir de la couronne espagnole en 1767, abandonnant ainsi l’ensemble de leurs possessions et les fameuses missions. Ils furent remplacés par des dominicains et des franciscains opportunistes, qui essayèrent de continuer à les faire fonctionner, en vain ! Il semblerait que leur doctrine plus stricte et moins tolérante vis-à-vis des coutumes locales fut mal acceptée par les guaranis, qui quittèrent les missions quelques années après le changement de mains. Les lieux désertés s’endormirent, furent peu à peu recouverts par la végétation et oubliés, ce qui explique leur bon état de conservation actuel.
Après Trinidad, nous nous rendons à la mission de Jesus, à une dizaine de kilomètres, en taxi. Il existerait des minibus partant de la station-service sur la route principale, mais personne n’étant capable de nous renseigner sur les horaires, nous préférons assurer la visite. Jesus, nommée d’après la figure majeure de l’ordre des Jésuites, aurait dû être la plus grande et la plus aboutie des missions. Sa conception, entamée sur ce site en 1750 après les exemples réussis de dizaines d’autres missions, s’inspira des leçons tirées de ces multiples expériences précédentes et devait surpasser en taille, en efficacité et en décorations toutes les autres. L’expulsion 17 ans seulement après le début de la construction mit fin au rêve : on peut ainsi parler d’un ensemble inachevé autant que d’une ruine, la plupart des bâtiments n’ayant jamais été terminés ni utilisés. Les dimensions du site sont impressionnantes et il est assez facile d’imaginer la grandeur qu’aurait eue Jesus. La nef de l’église principale est ponctuée de 12 bases de piliers symbolisant les apôtres et deux pupitres destinés aux oraisons des pères. A l’arrière, trois sacristies étaient prévues pour la préparation du chœur d’enfants, des aides et des prêtres. Une vingtaine de salles s’alignent ensuite autour de deux patios privatifs, destinées aux classes et ateliers artistiques. Pour renter à Encarnacion, nous attendons le minibus plus d’une heure et demie à une petite guérite, sans succès, et finissons par nous rabattre sur un taxi qui nous ramène à la route principale d’où nous reprenons un bus.
Les piliers massifs de Jesus
Fenêtre sur ciel
Colonnade sur verger
Nous avons été captivés par les sites des missions et leur passionnante histoire. Bien que les ruines soient moins impressionnantes que d’autres sites de la région, les influences interculturelles catholiques et guaranis restent très présentes dans la société locale. En temps limité, on pourrait toutefois se contenter d’une excursion aux missions du Paraguay à la journée depuis Posadas en Argentine, le reste du pays ne nous ayant pas laissé un souvenir impérissable.
Plus de photos de Encarnacion et des missions jésuites, c’est par ici !
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Infos pratiques
Transport :
- De Asuncion à Encarnacion : bus toutes les heures avec une dizaine de compagnies différentes. Durée théorique de 5 heures mais nous avons mis 7 heures. Coût 65 000 à 80 000 PYG par personne (les bus plus chers sont censés faire moins d’arrêts et donc être plus rapides).
- De Encarnacion à Ciudad del Este : bus toutes les heures depuis le terminal à partir de 6h. Durée à peu près réaliste de 5 heures. Coût 50 000 à 60 000 PYG par personne.
- De Encarnacion aux Missions Jésuites :
- Trinidad : prendre n’importe quel bus à destination de Ciudad del Este et descendre à Trinidad (coût 10 000 PYG par personne). La mission de Trinidad ensuite se trouve à 15 minutes à pied.
- Jesus : De la station-service située 500 m plus loin sur la route nationale, des bus sont censés passer toutes les heures. Nous avons attendu 1h30 sans succès… Sinon, un taxi coûte 20 000 PYG aller simple (négociable) ou 60 000 PYG aller-retour avec attente (avec le recul, on aurait choisi cette option directement …).
Hébergement :
- Hotel Viena : à 10 minutes du terminal de bus en descendant vers la partie ancienne de la ville. Basique mais propre, eau chaude, wifi de plutôt bonne qualité. Prix négocié à 80 000 PYG pour une chambre double avec ventilateur et salle de bain privative.
Visites / activités :
- Missions Jésuites : un ticket combiné valable 3 jours permet de visiter les missions de Trinidad, Jesus et San Cosme y Damian. Seules les deux premières sont accessibles en transport « public » (bus et taxi). Visite guidée incluse dans le prix du ticket. Coût 25 000 PYG par personne.