Bogota – Changement d’univers

Amérique du Sud, nous voilà ! Dans la capitale colombienne commence le troisième et dernier chapitre de notre voyage au long cours, avec un changement total d’atmosphère : exit le monde anglo-saxon, place à l’ambiance latine ! Initialement, nos plans prévoyaient de voler directement vers l’Equateur. Cependant, compte-tenu de l’éloge unanime retranscrit par les voyageurs ayant séjourné en Colombie, nous avons réorienté notre itinéraire, non sans induire quelques inquiétudes chez nos proches, eut égard à la réputation sulfureuse du pays. Pour notre part, malgré une estimation approfondie des risques et une grande confiance dans notre décision, nous ne pouvions nous empêcher d’éprouver une légère appréhension avant d’embarquer à l’aéroport de Sydney… Alors, Bogota, si dangereuse que ça ?

 

Premiers contacts

Tout commença par un (très) long vol : partis le 5 juillet au matin de Sydney, nous effectuons une première escale désagréable à Auckland, où nous devons sortir de l’avion, repasser la sécurité et… remonter dans le même avion, sans avoir déjeuné alors qu’il est déjà 15h : merci LATAM ! Vient ensuite notre vol vers Santiago du Chili, durant lequel nous avons le temps d’enchaîner trois films et de gagner 24h en passant magiquement au-dessus du milieu du Pacifique, mélange entre le jour le plus long et retour vers le futur. Après une longue escale chilienne, nous sautons enfin dans notre vol de nuit vers Bogota où nous arrivons le 6 juillet à 6h du matin heure locale après plus de trente heures de voyage. Si vous n’avez pas retenu tous les détails, ce n’est pas grave, le message clé est : nous sommes décalqués ! Heureusement, Antonio – un ami de Jérémy – nous héberge gentiment, ce qui nous permet d’atterrir tranquillement pour cette première étape sud-américaine.

Nos premiers pas sont heureusement égayés par l’accueil chaleureux reçus de tous les Colombiens que nous croisons. La liste d’exemples de gestes plein de générosité de cette première journée est longue : le taxi de l’aéroport qui nous fait une ristourne parce que nous ne disposons que de gros billets, le chauffeur du bus qui nous autorise à monter gratuitement car nous n’avons pas encore de carte de transport en règle, un guide privé avec son groupe qui nous invite à suivre ses explications au musée, cet autre taxi qui nous explique tous les tarifs pour ne pas nous faire arnaquer, etc. Même dans une immense ville comme Bogota, nous sommes agréablement surpris par la gentillesse des Colombiens, sincèrement intéressés par les touristes sans attendre aucune contrepartie commerciale ou financière !

Mais pour être tout à fait honnêtes, il y a aussi des côtés plus casse-tête comme… le système de bus ! La ville a beau être dotée du plus vaste réseau de bus à haut-niveau de service du monde – appelé Transmilenio – le nommage des lignes est complètement incompréhensible, avec par exemple des numéros qui changent suivant le sens dans lequel on va ! Et malgré la quantité astronomique de tracés différents, aucun ne dessert directement l’aéroport ou le terminal de bus principal… Bogota n’est pas encore au stade de l’intégration parfaite des transports en commun ou de la correspondance multimodale, mais y travaille ! De même, nous n’avions jamais eu autant de difficultés à trouver un office du tourisme ouvert ou à acheter une carte SIM chez un opérateur télécom !

Calles y Carreras, un système d’adresse ultra-logique pour se repérer !

 

Des centaines de graffitis égaient les rues de Bogota

 

La Candelaria, centre historique

Bogota a beau ne pas être la capitale la plus charmante d’Amérique du Sud, elle n’en possède pas moins de très beaux restes coloniaux. La vaste place de La Candelaria arbore un style typique du XVIème siècle sous influence espagnole. Les principaux lieux publics de la ville, comme la Mairie ou le Palais de Justice, sont d’ailleurs abrités derrière ces belles façades à colonnades. Qui plus est, les rues adjacentes à ce centre piéton regorgent d’une multitude de musées, et notamment les plus impressionnants du pays. Nous commençons d’abord par le Musée Botero, qui recèle une riche collection d’œuvres offertes par l’emblématique artiste colombien éponyme. Nous nous émerveillons devant son style caractéristique, accessible et visuel, dans lequel tous les personnages et natures mortes sont ronds, gros, disproportionnés. Du crayon sur aquarelle à la peinture à l’huile en passant par diverses sculptures, le format utilisé par Botero change au gré des salles colorées, générant une vraie bouffée de fraîcheur  intellectuelle. Au coin de la place principale, l’Iglesia Museo de Santa Clara est un ancien couvent de nonnes reconverti en musée religieux. Ce lieu contient un superbe plafond sculpté et peint avec des fleurs dorées et est littéralement tapissé d’une collection de tableaux d’art religieux. Ceux-ci sont peu explicites au premier regard pour les profanes que nous sommes, nous bénéficions par chance des récitations d’une classe d’apprentis-guides, qui sont notés par leur professeur sur la qualité de leurs commentaires sur une œuvre tirée au sort !

La place centrale de La Candelaria : wouhaou !

 

Agréable patio intérieur du Museo Botero

 

Mona Lisa selon le canon de beauté boteresque !

 

Le riche retable de l’église Santa Clara

 

Deux autres musées ont particulièrement retenu notre attention. Tout d’abord, le Musée de l’Or, sans doute le plus riche d’Amérique Latine, dans tous les sens du terme. Ratant de peu la visite guidée proposée gratuitement à cause du trafic routier (ou de la lenteur de notre taxi, c’est selon), nous courons à l’étage pour rattraper le groupe, demandons au guide si l’on peut se joindre à la visite et sommes ravis de le voir acquiescer. Nous comprendrons plus tard qu’il s’agissait d’un tour privé, et pas du tout de la visite après laquelle nous courions ! Le musée est une bonne introduction aux différents styles d’orfèvrerie précolombienne que nous rencontrerons par la suite : Muisca, Quimbaya, Tolima, Zenu, etc. Les pièces présentées sont sublimes, comme ces représentations de shamans sous forme de toucan ou de guépard. Le chef d’œuvre du Radeau d’El Dorado est un miracle de finesse : il représente un nouveau chef spirituel, couvert d’or pour la cérémonie d’intronisation, qui s’avance suivi de sa cour. Cette scène, qui précède le moment du rituel où le cacique s’immerge dans la lagune de Guatavita et ressort sans ses bijoux en or, fera tourner la tête des conquistadores espagnols pendant plusieurs siècles, persuadés qu’El Dorado évoquait non pas un personnage mais une ville en or massif ! Et dire qu’un radeau encore plus grand existait, avant qu’il ne se perde en mer en route pour une exhibition en Allemagne. Cette version plus petite a désormais interdiction formelle de sortir de Colombie.

Le Musée de la Monnaie vaut également le détour : il dresse un parallèle passionnant entre l’histoire du pays et l’histoire de sa monnaie. Au-delà d’admirer divers louis d’or qui composent la collection numismatique, on y apprend comment les Espagnols ont établi leur système monétaire de zéro, d’abord avec des pièces d’or, d’argent et de platine, puis de plomb et de zinc, avant d’introduire les billets de banque. On découvre aussi également au passage comment les Rois d’Espagne truquèrent les pièces pour empêcher les contrefaçons ou pour économiser un peu du précieux métal lors de la fonte… Les machines d’époque pour frapper les pièces sont rudimentaires et donnent une idée du processus manuel fastidieux de l’émission de la monnaie au XVIème et XVIIème siècles.

Quelques chefs-d’oeuvre en or précolombien massif

 

La Balsa Muisca ou radeau d’El Dorado, lié au mythe de la cité d’or

 

Exemple de pièce d’or frappée à l’effigie du Roi d’Espagne

 

Dernière balade incontournable à toute visite du centre historique de Bogota : le téléphérique du Cerro de Monserrate ! Si l’ascension est possible à pied – entreprise notamment le week-end par de nombreux pèlerins – nous suivons les consignes de sécurité qui suggèrent d’éviter la grimpette durant la semaine et ne prenons pas de risques. Nous sommes donc bons pour une longue file d’attente toute en virages avant de monter dans les œufs, on se croirait dans une station de sports d’hiver ! La montée à flanc de colline dure dix minutes et nous permet de nous faire une première idée de l’étendue de cette ville gigantesque de 8 millions d’habitants. Au sommet, le panorama est encore plus impressionnant. L’église n’a que peu d’intérêt hormis cette vierge syncrétiquement noire et nous préférons flâner tranquillement en profitant de la vue.

Vue d’aigle depuis le téléphérique

 

Gastronomie

L’avantage de commencer la visite d’un pays dans sa capitale, c’est qu’on y trouve généralement un condensé des différentes cuisines régionales. Nous goûtons donc pêle-mêle une bandeja paisa (plat hyper calorique typique du centre colombien, incluant riz, haricots rouges, avocat, banane plantain, œufs frits, saucisse, boudin, viande hachée, arepa ou galette de maïs), des tamales (riz au poulet cuit dans une feuille de banane), des obleas (sorte de sandwich de gaufrettes fines recouvert d’arequipe, le caramel local) ou encore… le chocolate completo ou chocolat chaud au fromage. Nous suivons l’adage (inventé) qui veut que « le chocolat chaud, c’est bon ; le fromage, c’est bon ; et bien le fromage trempé dans le chocolat chaud, c’est bon ! ». Nous sommes également ravis de constater que des dizaines de petits restaurants de quartier proposent systématiquement des menus du jour ou menu corriente pour quelques milliers de pesos colombien (entre 2 et 3 euros), incluant une soupe (légumes et  viande), un plat de viande avec du riz, des lentilles, une banane plantain et une petite salade verte, ainsi qu’une boisson (jus de fruits ou limonade). Une formule qui, bien qu’un peu répétitive, séduira la plupart du temps les routards au budget serré que nous sommes lors de notre périple dans le pays.

Nous étendons notre séjour dans la capitale pour profiter du week-end avec Antonio. Au programme de notre soirée du samedi, une marche nocturne entre Chapinero et Zona G, puis Zona Rosa, où nous dînons au fameux restaurant Andres DC. Ce lieu, inspiré de l’original situé à 25 kilomètres au nord de Bogota, est une sorte de restaurant-bar-discothèque complètement loufoque et déjanté. Il n’est en effet pas rare d’être interrompu au milieu de son plat par une fanfare bruyante, une charmante hôtesse qui vous offre une écharpe « bienvenue en Colombie » ou encore deux acteurs grimés en mort-vivants qui traînent leurs chaînes et haillons au milieu des tables, sous l’œil médusé ou amusé des clients. Nous passons une superbe soirée autour de toasts, bières et plateau de viande typique ! La discussion se prolongeant assez tard, nous sommes trop fatigués pour danser, aidés en cela par le décalage horaire en cours d’absorption, et rentrons à pied à la fraîche jusqu’à la maison.

Et hop, le fromage dans le chocolat chaud !

 

Soirée au top avec Antonio à Andres DC !

 

Au final, Bogota aura vraiment été une bonne surprise pour nous. A l’instar de n’importe quelle grande mégalopole, certains quartiers sont à éviter et il convient d’appliquer les règles de bon sens pour éviter toute mésaventure, mais nous ne nous sommes jamais sentis en insécurité. Au contraire, le week-end, certaine rues fermées à la circulation sont étonnamment bon enfant, entre cyclistes du dimanche, artistes de rue, vendeurs ambulants et familles en promenade. Si la présence policière importante dans les quartiers touristiques rappelle que la baisse de la criminalité est un phénomène encore récent, il est rassurant de constater que les forces de l’ordre ont les choses bien en main. Nous avons donc pu profiter sereinement des trésors que compte cette intéressante cité, un début de  très bon augure pour la suite du pays !

 

Plus de photos de Bogota, c’est par ici !

 

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Infos pratiques

Transport :

Prendre le taxi : pour utiliser les petites voitures coréennes jaunes de manière sûre, nous conseillons les yeux fermés l’application Tappsi, fiable et rapide ! Tappsi fonctionne un peu comme Uber, sauf que tous les véhicules sont des taxis officiels sécurisés et que vous ne payez qu’en liquide une fois la course effectuée. L’application est présente dans toutes les grandes villes colombiennes (nous l’avons également utilisée à Medellin, Santa Marta et Manizales). A Bogota, une course en centre-ville coûte généralement entre 3 000 et 8 000 COP.

  • De l’aéroport au quartier de Chapinero : une course de 25-30’ en taxi est le moyen le plus simple en arrivant sans carte de Transmilenio. Nous avons payé seulement 20 000 COP car le chauffeur n’avait pas de monnaie ! Compter plutôt 25 000 en heure creuse, encore plus avec du trafic.
  • Déplacements urbains : le Transmilenio est un moyen efficace de se déplacer sur l’axe nord-sud. Une carte TuLlave (utilisable par plusieurs personnes simultanément) coûte 3 000 COP puis chaque passage est à 2 200 COP. Par exemple, de Chapinero à La Candelaria, prendre un bus vers le sud sur la Carrera 13, puis changer à Museo Nacional.
  • De Chapinero à La Terminal : pour rejoindre le terminal de bus principal vers la plupart des autres villes colombiennes, le Transmilenio vous laisse malheureusement à 1 km de l’entrée. Partis au petit matin, nous avons pris un taxi de Chapinero pour 15 000 COP.
  • Bogota à Villa de Leyva : deux trajets sont possibles, suivant la compagnie choisie et l’humeur du chauffeur de bus (par l’ouest ou par l’est). Trajet de 3h pour 25 000 COP par personne.

Visites / activités :

  • Musée de l’Or : à voir absolument, même si vous n’avez qu’une demi-journée en ville. Ticket à 4 000 COP.
  • Musée Botero : intéressant musée gratuit sur le plus célèbre des artistes colombiens du XXème siècle. Pourquoi se priver ?
  • Musée de la Monnaie : passionnant pour les fans d’histoire qui peuvent y passer des heures. Pour les autres, jeter un œil à la collection de pièces d’or reste ludique. Gratuit lui aussi.
  • Museo Nacional : trois étages repensés par thèmes : identité de la nation, précolombien, moyen-âge et colonisation, révolution. Peu convaincus, nous ne recommandons pas spécialement. Prix de 4 000 COP.
  • Iglesia Museo de Santa Clara : église la plus richement décorée de la ville. Même si les autres sont gratuites, les 3 000 COP du droit d’entrée sont un investissement qu’on ne regrette pas.
  • Téléphérique de Monserrate : aller-retour un peu cher (19 000 COP) mais la vue vaut vraiment le coup. Nous avons toutefois préféré celui de Medellin.
  • Andres DC : par le propriétaire d’Andres Carne de Res, le restaurant original situé au nord de Bogota. Cette version plus accessible située dans le centre commercial du Retiro vaut néanmoins largement le détour. Compter 21 000 COP l’entrée après 20h le week-end, puis plats à partir de 20 000 COP.

 

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