Carthagène des Indes – Port fortifié aux balcons fleuris

En voilà un de plus, un de ces toponymes qui font rêver : Carthagène des Indes, dont le nom seul résonne des clameurs des marins, du cliquetis des sabots sur les pavés et des cloches de ses innombrables églises. Carthagène, d’après la ville éponyme de Murcie en Espagne du fait de la similitude de la configuration de leurs baies ; des Indes, parce qu’au XVIème siècle tout ce qui est au-delà de l’Océan est Indien, bien sûr.

 

Carthagène, pleine de couleurs !

 

Fondée en 1533 sur le lieu du village indigène de Kalamari (qui n’a rien à voir avec les céphalopodes mais signifie « abondance » en langue indigène), la ville est idéalement située sur une presqu’île : au Nord la mer des Caraïbes, de l’autre côté une vaste baie dont l’accès n’est possible que par deux détroits, et au niveau de son rattachement au continent, une colline qui pourra être transformée en place forte.  Carthagène devient vite le port privilégié par les navires espagnols pour effectuer leurs échanges commerciaux. Pendant près de trois siècles, ce fut l’un des points principaux du commerce triangulaire en Amérique du Sud : les bateaux transportaient des textiles, perles colorées et pacotilles d’Europe en Afrique, où ces objets étaient échangés contre des esclaves, amenés ensuite en Amérique afin de servir de main d’œuvre, les commerçants recevant en retour or, argent, pierres précieuses, sucre et autres produits tropicaux à destination de l’Europe. Sur la Place de la Douane et la Place des Voitures se tiennent les principaux marchés : les marchandises fraîchement débarquées des bateaux mouillés le long du quai n’ont qu’à traverser la porte des douanes pour se retrouver sur l’esplanade et être vendues, sous le contrôle des notaires dont les riches bureaux sont adjacents. Cette abondance d’échanges amène bientôt une certaine prospérité et les richesses attirent de nombreux pirates et corsaires, qui mettent à sac la ville plusieurs fois.

 

Plaza de la Aduana (Place de la Douane)

 

C’est le début d’un long processus d’élaboration de fortifications et systèmes de défense. La ville s’entoure tout d’abord de remparts autour de deux de ses trois quartiers : celui de Santa Catalina, où vit la classe aisée dans des maisons à double étage, et celui de San Diego, où vit la classe moyenne dans des maisons à un étage. Le quartier de Getsemani où habite la classe populaire, n’est pas inclus dans ce plan et reste donc en dehors des murs… L’ouverture principale de la baie, Bocagrande, est scellée par un mur sous-marin, ce qui oblige tous les navires à entrer par l’autre accès, Bocachica, qui se voit dotée de plusieurs fortins afin de défendre ce passage stratégique. Enfin, la colline qui domine la ville à son sud-est est également aménagée : les fondations du fort de San Felipe de Barajas sont  posées. D’un simple « bonnet » couvrant le sommet avec une plateforme et quelques canons, le fort se développe au fil du temps, pour finir par devenir la plus grande fortification coloniale d’Amérique Latine, sur 4 étages. Un ingénieux système de tunnels permet de rejoindre rapidement les différentes parties du fort sans se mettre à découvert, et de stocker des munitions suffisamment profondément pour ne pas souffrir d’impacts extérieurs. Et les efforts payèrent ! En 1741, les troupes anglaises dirigées par l’amiral Vernon mène une attaque de grande ampleur : pas moins de 186 bateaux et 23 600 hommes prirent d’assaut les fortifications, mais les 6 bateaux et 6 000 hommes du vice-roi Eslava en place réussissent à les mettre en déroute ! L’ensemble tomba en ruine après l’indépendance de la Colombie au XIXème siècle, mais est aujourd’hui bien restauré et sa visite très instructive, en plus d’offrir une perspective plongeante sur la vieille ville.

 

De nouvelles recrues visitent le fort San Felipe de Barajas

 

Les remparts protègent la ville historique

 

Une autre sombre page de l’histoire de la ville s’ouvre en 1610, avec la fondation d’un des trois tribunaux de l’Inquisition de l’Eglise Catholique en Amérique Latine, aux côtés de Mexico et Lima. Ses « enquêtes » et inculpations se basaient sur des dénonciations anonymes faites par lettre déposée dans une petite fenêtre d’une rue latérale au palais de l’inquisition. Les motifs allaient de problème de mœurs (bigamie, blasphème) à la sorcellerie (qui pouvaient recouvrir tout type de pratiques ancestrales réalisées par les esclaves africains, ou tout simplement un comportement excentrique), en passant par l’hérétisme (incluant toute autre religion). Il est curieux de noter en revanche que les indigènes n’étaient pas jugés, considérés comme trop simples d’esprit (!). Les suspect étaient ensuite torturés pour obtenir des aveux, puis condamnés à des peines allant des travaux forcés à l’exécution publique lors de grandes manifestation appelées auto de fé (autodafés).

 

Fenêtre de la dénonciation, à l’abri des regards…

 

Patio du Palais de l’Inquisition

 

Aujourd’hui, Carthagène est devenue très touristique, et pour une bonne raison compte-tenu de son histoire et de son héritage patrimonial extraordinaire, mais l’ambiance dans la ville s’en ressent. C’est la première ville en Colombie où nous sommes relativement mal reçus, par des locaux assez peu aimables, et régulièrement alpagués pour acheter des fruits, des chapeaux, des tours… Il reste néanmoins assez facile de faire abstraction de ces petits désagréments tant la ville est charmante et envoûtante, et nous avons passé des heures à déambuler au hasard de ses rues, entrant quand l’occasion se présentait dans les patios, prenant un verre sur une terrasse… Depuis son classement au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1984, tous les bâtiments à l’intérieur de la ville fortifiée sont protégés et doivent être rénovés au plus proche de leur aspect original. Les rues sont bordées de façades multicolores, aux portes et fenêtres bardées de bois aux couleurs vives, et quand les maisons comportent deux étages les balcons au deuxième sont fréquemment décorés de belles plantes grimpantes et fleurs magnifiques ! C’est un plaisir de se perdre dans les ruelles, découvrant au passage de nombreuses placettes pleines de vie, des églises plus ou moins riches, des vendeurs ambulants, et des maisons toutes plus charmantes les unes que les autres.

 

Certains balcons croulent sous les fleurs !

 

Tour de l’Université

 

 

La population locale est par ailleurs l’une des plus diverses de Colombie, fruits de siècles de métissages entre indigènes, colons espagnols et esclaves africains : c’est un vrai melting-pot et la mosaïque des couleurs de peau passe par toutes les teintes. Les cultures se sont mélangées de la même façon, et des rythmes qui sonnent africains à nos oreilles rythment les danses dynamiques réalisées par quelques artistes dans les parcs publics. L’espagnol local est teinté d’un accent difficile à comprendre pour nous, et certains habitants parlent même un créole d’origine angolaise. La gastronomie, enfin, est typique des caraïbes : des fritures, des fruits tropicaux, du riz au lait de coco et beaucoup de poisson et fruits de mer au menu, sous toutes les formes. Nous optons un soir pour des ceviches de crevettes et poulpe/escargot de mer/poisson : les éléments sont découpés en tranches fines puis marinés dans du jus de citron (et éventuellement du lait de coco), de sorte à « cuire » la chair par l’acidité, délicieux !

 

Les « palenqueras » vendent des fruits au coin des rues

 

Ceviches de fruits de mer et riz au lait de coco, miam !

 

Et le soleil se couche sur Carthagène

 

Plus de photos de Carthagène, c’est par ici !

 

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Infos pratiques

Transport :

  • De Santa Marta à Carthagène : bus d’une durée officielle de 4h qui a en fait mis plus de 7 heures dont une bonne heure de pause à Barranquilla (!). Coût 20 000 COP par personne.
  • Terminal de transport au centre historique de Carthagène : environ 50 minutes en bus public (2200 COP par personne). Mais du fait de notre arrivée tardive, nous avons opté pour un taxi à 18 000 COP.
  • De Carthagène à Medellin : deux compagnies de bus desservent Medellin (Rapido Ochoa et Expreso Brasilia). Pour les 14 heures de voyage, nous avons choisi un bus de nuit, confortable mais avec une climatisation poussée à fond qui nous a empêchés de dormir sur le petit matin (prévoir au moins 2 pulls ou une couverture). Prix de 105 000 COP par personne. Départ toutes les heures de 16h30 à 21h30.

Hébergement :

  • Hostel Casa Venecia : une nuit en dortoir bondé avec une seule salle de bain, nous ne nous sommes pas sentis très à l’aise, malgré un personnel aimable. Prix de 23 600 COP le lit en dortoir de 8 personnes.
  • Hostel Yeimmi : un hostel dans une blanchisserie de Getsemani, avec des chambres très basiques mais propres autour de la cour remplie de machines à laver. Définitivement sans charme, mais bon marché (40 000 COP la chambre double avec salle de bain privative). Lessive bon marché également (4500 COP le kilo).

 

Visites / activités :

  • Musée d’Histoire de Carthagène : situé dans l’ancien Palais de l’Inquisition. Rez-de-chaussée consacré à l’Histoire de l’Inquisition, assez pauvre en pièces mais avec de bons panneaux explicatifs. Premier étage détaillant l’histoire plus générale de la ville. Coût de 19 000 COP par personne (selon nous, cher pour la qualité des collections).
  • Musée de l’Or Zenu : joli et intéressant petit musée, bonne introduction aux différents styles d’orfèvrerie précolombienne. Un must si vous ne passez pas par le Musée de l’Or de Bogota ! Gratuit donc pas de raison de s’en priver !
  • Remparts : En une quinzaine d’endroits, il est possible de monter sur les remparts de la ville et d’en parcourir de longs segments à pied. Une autre perspective sur la ville et la mer ! Gratuit.
  • Castillo San Felipe de Barajas : A quinze minutes à pied (pas très agréables) depuis Getsemani. Grande forteresse construite sur une colline, vue sur la ville, film bien fait, mais pas de panneaux explicatifs. Entrée 25 000 COP per personne. Audioguide 15 000 COP.
  • Maison-musée de Rafael Nuñez : A cinq minutes à pied à l’extérieur des remparts au nord-est de la ville. Belle demeure et exposition intéressante. Gratuit.
  • Tour de la ville : tous les jours à 10h et 16h, départ de la place Santa Marta. Tours en anglais et en espagnols d’une durée d’environ 2 heures. Gratuit, mais pourboire attendu.

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