Uyuni – Un océan de sel

Il est de ces noms mythiques qui sonnent à l’oreille de presque tous les voyageurs, des destinations incontournables que l’on a vues et revues en photos dans des livres ou sur le web… Le salar d’Uyuni est de celles-là, avec ses grandes étendues blanches surmontées d’un ciel bleu d’une intensité incroyable. Ainsi, c’est avec une certaine appréhension que nous nous apprêtons à rencontrer ce monstre de célébrité : saura-t-il être à la hauteur de nos attentes ?

La ville d’Uyuni a une étrange ambiance de ville-frontière, avec ses rues en terre et ses bâtiments à un étage s’alignant le long de rues trop larges presque désertes. Le climat y est très rude : le soleil brûle les yeux et la peau dès qu’on s’y expose, mais passez à l’ombre et la fraîcheur de l’air liée à l’altitude se rappelle à vous ; et la nuit ? Il gèle… Heureusement, nous n’y faisons qu’une courte étape pour réserver notre boucle de trois jours dans le Salar et la région du Sud Lipez. Le hasard faisant parfois drôlement les choses, nous nous retrouvons dans un groupe avec quatre autres Nantais fort sympathiques !

 

Jour 1 : Salar – De Uyuni à San Juan

Notre petite troupe souhaitant au mieux éviter la foule, nous demandons à partir un peu plus tôt que l’horaire habituel. Nous faisons connaissance avec notre chauffeur, Renan, qui charge nos bagages sur le toit et montons dans le 4×4, notre véhicule pour les 72 heures à venir. Le premier arrêt n’est qu’à quelques minutes de route de la ville… Le cimetière de trains est le lieu de dernier repos des anciens matériels roulants mis au rebut : locomotives à charbon, anciens wagons, ferraille diverse… La ville d’Uyuni pris en effet son essor du fait de sa position heureuse au carrefour de plusieurs voies de communication : quand des minerais furent trouvés dans plusieurs montagnes alentours, le chemin de fer permit de l’acheminer jusqu’à la côté chilienne, via cette région. L’ensemble n’est pas sans rappeler le cimetière de bateaux de la Mer d’Aral, avec ces gigantesques carcasses qui rouillent tranquillement dans la poussière, sous un soleil de plomb…

 

Le cimetière de trains

 

Suit une courte pause dans le village de Colchani, qui ressemble plus à un grand bazar attrape-touristes, où Daphné se laisse néanmoins tenter par une magnifique paire de gants « artisanaux » pour la modique somme de deux euros. Nous rentrons bientôt dans le vif du sujet alors que la voiture commence à rouler sur un terrain de plus en plus blanc : bienvenus dans le Salar de Minchin ! De Minchin ? Et pas d’Uyuni ? Nous parlons bien de la même étendue de sel, la plus grande du monde avec quelque 10 500 km², mais le nom « originel » du lieu est bien Minchin, du toponyme du lac qui en s’asséchant a produit le salar ; le rattachement « marketing » à Uyuni n’ayant été opéré par les autorités locales que du fait de la proximité géographique du bourg touristique. Nous descendons de la voiture et faisons nos premiers pas sur ce tapis cristallin qui crisse sous nos semelles pour aller observer les « ojos de sal », les yeux de sel. Ces trous d’eau au milieu du désert salin bouillonnent comme sous l’effet d’un feu : il n’en est rien, l’eau est glaciale, mais agitée par de grandes quantités de gaz qui remontent en continue des couches inférieures.

 

Ojos de sal, des bassins bouillonnants au milieu du désert

 

Nous faisons une pause déjeuner dans un hôtel-musée de sel au milieu du désert,  le premier qui ait été construit. Du fait de leur impact environnemental négatif, tous les hôtels construits dans le salar ont été fermés, et les touristes dorment maintenant en dehors de cette zone. Quand on nous a dit « hôtel de sel », j’imaginais un hôtel creusé dans la roche saline. En fait pas du tout, c’est un bâtiment construit avec des briques de sol découpées et empilées. On voit très bien sur les murs les couches sédimentaires successives, le salar continuant encore aujourd’hui à croître tous les ans : l’eau ruisselle sur les collines alentours et se charge en boues et minéraux puis vient s’accumuler dans le bassin, la boue se dépose d’abord au fond formant une fine couche brune puis en séchant le sel et les autres minéraux forment une couche blanche de quelques centimètres. On pourrait ainsi dater l’âge du salar, à la manière de celui d’un arbre, en comptant les différents traits !

 

Des briques de sel montrent les couches successives du salar, année après année

 

Hôtel de sel

 

C’est ensuite l’heure des fameuses photos en perspective : le soleil est au plus haut ce qui minimise les ombres au sol et le paysage parfaitement uniforme est un cadre parfait pour réaliser des trompes l’œil. Notre guide est un parfait metteur en scène, il nous dirige pour réaliser des clichés incroyables, des combats avec des dinosaures aux interactions improbables avec des versions miniatures de nous-mêmes. Nous laissons ensuite libre cours à notre imagination et ajoutons quelques scènes avec des verres, tasses, casquettes, tous les objets qui nous tombent sous la main !

 

Prise de tête !

 

Des coups de pied qui se perdent

 

Scène de terreur préhistorique

 

Fini de jouer, il est déjà l’heure de rejoindre notre prochain arrêt : l’île Incahuasi. Cette excroissance rocheuse d’origine volcanique forme bel et bien un îlot au milieu de la mer de sel et comporte des milliers de cactus San Pedro, dont certains aurait plus de 1200 ans ! Le lieu est si atypique que les incas déjà y pratiquaient des cérémonies rituelles d’adoration du soleil lors du solstice d’été, traversant plus de 60 km à pied à travers le salar pour atteindre ce rocher inhabité. Tout autour de nous et à perte de vue s’étend l’immensité blanche, éblouissante, tellement impressionnante… Nous concluons la journée par le coucher de soleil : les ombres s’allongent à l’infini et le froid se fait sentir dès que la lumière tombe. Des couleurs surréalistes nous entourent alors, formant une superbe toile pastel. Nous dormons ce soir à San Juan, juste à la frontière du salar, dans un hôtel en briques de sel !

 

Cactus San Pedro de l’île Incahuasi

 

Les ombres s’allongent…

 

Jour 2 : Sud Lipez – De San Juan à Laguna Colorada

Après une nuit courte mais confortable et un roboratif petit-déjeuner, nous montons en voiture avec nos 4 compagnons. Les discussions sont animées et nous apprenons à connaître ces grands voyageurs, jeunes retraités qui découvrent cette fois-ci la Bolivie et le Pérou. Nous traversons le salar de Chiguana, dont la teneur en sel est de seulement 20% et donc beaucoup plus terne que son célèbre voisin. Les arrêts points de vue se suivent sans vraiment se ressembler et nous faisons le plein d’images colorées et désertiques.

 

Point de vue sur le volcan Ollague

 

Bientôt, nous débouchons sur une série de quatre lacs, tous plus beaux les uns que les autres. Les eaux bleues calmes forment des miroirs parfaits où se reflètent les chaînes de volcans qui se dressent en arrière-plan. Des colonies de flamands roses s’affairent à fouiller l’eau et la vase à la recherche de nourriture : il en existe trois espèces (chiliens, andins et James). Un troupeau de lamas vient s’ajouter au tableau, ses membres semblant poser pour nos objectifs. La lumière à cette altitude est particulièrement perçante, rehaussant les couleurs vives des paysages et de ses sauvages habitants. Plus loin, un renard des sables s’approche de la voiture, étonnamment peu farouche (nous verrons d’autres véhicules nourrir les animaux, ce qui explique malheureusement son comportement…) et nous regarde.

 

Panorama sur le lac Hedionda

 

Flamands roses

 

Lama broutant

 

Renard peu farouche

 

Les kilomètres en 4×4 s’enchaînent, et nous traversons ensuite le désert de Siloli, une énorme étendue de sable qui nous ferait nous croire dans un rallye auto. Certains s’y sont sans doute un peu trop cru d’ailleurs : à mi-chemin gît une épave de voiture de police, qui semble avoir fait plusieurs tonneaux après avoir perdu le contrôle… Nous longeons la cordillère des volcans sur notre droite, dont certaines zones se parent de couleurs improbables du fait des minéraux qu’elles contiennent et atteignons enfin une zone aux formations rocheuses découpées. D’origine volcanique, les blocs torturés émergent du sable comme par magie. Le plus célèbre, « l’arbre de pierre » comporte un chapeau évasé porté par un pied fin ; on pourrait y voir aussi bien un champignon qu’une tornade lithique. Le vent est fort et nous nous couvrons : nous comprenons mieux d’où viennent les formes étranges qui nous entourent, sculptées par les éléments depuis des millénaires. En fin d’après-midi, la « laguna colorada » nous laisse sans voix devant l’intensité de la couleur rouge de ses eaux, due à une algue, tranchant nettement sur les bancs de minéraux blancs.

 

Arbre de pierre

 

Les eaux rouges de la laguna colorada

 

Jour 3 : De Laguna Colorada à la frontière chilienne

Levés bien avant l’aube, nous nous habillons en hâte et chaudement : à 4200 mètres d’altitude et aux heures les plus froides de la nuit, il fait -10 degrés, sans compter l’effet du vent glacial. Mais le ciel est si beau, si pur, si lumineux, loin de toute zone habitée ! Nous roulons un peu et découvrons un champ de geysers qui fument dans la pénombre de l’aube : les fumerolles de vapeur sortent de terre en de nombreux endroits et diverses crevasses bouillonnantes témoignent de l’activité volcanique du sous-sol. Le vent est si piquant que la moindre zone de peau exposée devient vite douloureuse : impossible de se faire une idée de la température ressentie à maintenant 4900 mètres d’altitude. Le soleil se lève et rougeoie de ses rayons les sommets environnants, avant d’embraser pleinement la cuvette où nous nous trouvons. Quelques kilomètres plus loin, nous pouvons profiter des bienfaits géothermaux en nous baignant dans des piscines chauffées naturellement à 35 degrés ! S’il est difficile de se déshabiller dans le froid avant de plonger, c’est un véritable bonheur que de se laisser flotter au chaud dans une douce vapeur.

 

Geysers fumant au petit matin

 

Petit plongeon dans les sources chaudes

 

Encore un désert traversé, poétiquement surnommé « de Dali » du fait des colonnes rocheuses posées dans le lointain comme sorties d’un tableau du célèbre maître. Les volcans s’enchaînent sur notre droite, nous séparant du Chili. Pour finir, les lacs vert et blanc ne font pas honneur à leur nom en ne montrant pas les teintes pour lesquels ils sont connus : là aussi liées à des microorganismes en suspension, les couleurs n’apparaissent que sous une certaine lumière et si l’eau est assez agitée par le vent. Ce jour trop calme nous offre en revanche des étendues d’eau parfaitement plates que nous contemplons avec plaisir, profitant des derniers instants dans ces paysages incroyables et hors-du-temps avant de rejoindre le monde des Hommes…

 

Lac blanc pas si blanc

 

Et puis soudain, c’est fini, nous rejoignons le poste frontière et faisons la queue pour obtenir notre tampon de sortie de Bolivie. Nous faisons nos adieux à notre groupe et sommes transférés dans un minibus qui se met bientôt en route. Dès les premiers mètres, la route est asphaltée, nous avons changé de standing en arrivant au Chili ! A peine une heure de route et nous sommes débarqués à San Pedro de Atacama où sont conduites les formalités d’immigration chilienne, puis catapultés dans la rue la plus courue de cette Mecque du tourisme en plein milieu d’un long week-end, back to reality !

 

Plus de photos d’Uyuni, c’est par ici !

 

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Infos pratiques

Transport :

  • De Potosi à Uyuni : attention, les bus pour Uyuni partent de l’ancien terminal de bus (contrairement à toutes les autres destinations). Départ toutes les heures. Durée 3h30 (étonnamment rapide, le guide indique 5 heures). Coût 30 BOB par personne.
  • Traversée de frontière Bolivie – Chili : le transfert est proposé par les agences comme addition au tour de 3 jours décrit dans l’article et se fait très facilement. Le chauffeur nous a déposés à la frontière bolivienne et nous avons passé l’immigration de sortie, puis sommes montés dans un mini-bus partenaire avec nos bagages. Les formalités côté chilien se font après environ 1 heure de route, dans la ville de San Pedro de Atacama, tout était très bien encadré par l’agence. Prévoir 15 BOB (officieux ?) par personne pour le pauvre officiel bolivien isolé.

Hébergement à Uyuni ville :

  • Hotel Avenida : chambres simples, spacieuses et propres, disposées autour d’un patio couvert qui conserve la chaleur et évite des nuits glaciales. Douche chaude, personnel agréable. Prix de 80 BOB pour une chambre double.

Visites / activités :

  • Tour de 3 jours / 2 nuits : couvrant le salar et la région du Sud Lipez, ce tour classique de 3 jours est proposé par toutes les agences en ville. Nous avons choisi l’agence World White Travel qui nous a fourni un excellent service, nous recommandons notamment notre chauffeur Renan Flores. Prix de 750 BOB par personne après négociation, incluant le transfert à San Pedro de Atacama. Prévoir environ 200 BOB additionnels pour les entrées des sites et parcs naturels (et des toilettes payantes à 5 BOB dans quelques rares endroits !).

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