Deuxième pays d’Amérique du Sud, première étape : nous voici arrivés dans la région d’Otavalo en Equateur ! Après quatre jours plutôt exténuants à voyager rapidement en bus à travers les villes du sud colombien, nous posons un peu par hasard nos sacs dans un minuscule village de montagne, au pied du volcan Imbabura, dont la langue principale est le quechua. Dépaysement et calme absolus garantis !
Après un passage de frontière plutôt facile entre Ipiales et Tulcan, nous finissons par sauter dans un bus à destination d’Otavalo, à 150 kilomètres de là. Cela fait à peine une heure que nous sommes en Equateur, et déjà nos premiers moments sont une source d’étonnement constante. Dès le terminal de transport, nos repères sont battus en brèche : quand les hubs colombiens étaient vastes, alignant des dizaines de vitrines d’opérateurs privés annonçant clairement les différentes destinations desservies, ceux d’Equateur semblent étriqués autour d’un guichet unique, qui vend des tickets pour toutes les compagnies de bus en même temps. Là où les cars colombiens étaient décorés plutôt sobrement, avec une ou deux couleurs majeures et le nom de la compagnie, leurs homologues équatoriens sont bariolés, bigarrés, recouverts d’une explosion de couleurs plus ou moins heureuse. Autre bizarrerie de notre nouvel espace de voyage : la monnaie utilisée est… le dollar américain. On ne peut que trouver dommage pour la souveraineté d’une nation d’être conduite à s’aligner autant sur l’Oncle Sam voisin… Côté paysage, la plaine du sud de la Colombie qui monte en pente douce vers la forêt andine laisse place ici à un bourgeonnement de volcans, obligeant notre chauffeur à nombre zigzags sur de petites routes à flanc de montagne. Les habitants sont pour la plupart Quechuas, leurs traits de visage et leurs vêtements traditionnels beaucoup plus proches de ce que nous avions vu au Pérou qu’en Colombie. Enfin, côté vocabulaire, les innombrables particularismes du continent se rappellent à notre bon souvenir, lorsque nous devons demander la merienda – et non plus la cena – pour notre repas du soir… Certains passages de frontières terrestres en Asie nous avaient donné l’impression d’un certain continuum géographique et culturel. Ici, la rupture paraît plus marquée, et rien ne pouvait plus nous motiver pour nous immerger dans ce nouvel univers !
Dans le no-man’s-land entre la Colombie et l’Equateur !
Presque un hasard du calendrier, le lendemain tombe un samedi. Et que se passe-t-il à Otavalo le samedi ? Et bien tout simplement l’un des plus grands marchés hebdomadaires d’Amérique du Sud ! Nous commençons par la foire aux animaux, qui nous a rappelé de bons souvenirs de Shaxi en Chine et qui constitue toujours un spectacle amusant. Les marchands, très sérieux pour leur part, ont revêtu leurs habits traditionnels et présentent fièrement aux acheteurs potentiels vaches, porcs, moutons, poules, mais aussi lapins et cochons d’Inde ! D’autres vendeurs malins se sont greffés dans le paysage, proposant pêle-mêle des cordes pour attacher les animaux, divers matériaux pour cages et enclos, du maïs moulu pour nourrir les bêtes… et aussi des stands de snacks et de boissons pour sustenter tout ce beau monde. Nous déambulons un moment dans cet univers rural, sous l’œil peu intéressé des locaux, qui ont compris depuis belle lurette que ce ne sont pas ces gringos avec un appareil photo qui vont leur acheter leur plus beau veau !
Quelques rues plus loin, le marché d’artisanat (plus réalistement décrit comme marché où se vendent des objets plus ou moins typiques produits industriellement) occupe la Plaza de Ponchos et plusieurs blocs alentours dans toutes les directions. L’éventail de produits proposés dans cette caverne d’Ali Quechua a toutefois de quoi laisser pantois : vêtements chauds en laine d’alpaga, pierres et bijoux, peintures indigènes, ceintures en cuir, jouets pour enfants, plats cuisinés, fruits et légumes (jamais très loin)… L’ensemble est très bien présenté, la plupart des vendeurs arborent leurs beaux habits colorés, l’envie d’acheter est ingénieusement suscitée. Il a beau nous rester plus de 4 mois de voyage en Amérique du Sud, nous craquons déjà, et Daphné commence à remplir son sac à dos avec un poncho ! L’avantage d’utiliser la monnaie américaine dans un pays en voie de développement ? Facile, toutes les petites choses valent « un dolarito » (un petit dollar), même quand leur valeur réelle atteint péniblement quelques centimes. Si certains achats sont arrondis à notre désavantage au montant supérieur, nous faisons également de belles affaires, comme ce sac de 22 grosses mandarines (plus de 3 kgs) pour… un dollar pardi !
Il est presque midi, nous nous rabattons dans le troisième et dernier marché : la partie quotidienne, où les Otavaleños achètent leur nourriture, leurs vêtements et leurs produits de toilette. Tout neuf, abrité dans un grand hangar construit il y a un an, ces rangs de stands bien organisés sont complétés par un food-court local, dans lequel nous déjeunons largement pour un peu plus d’un dollar chacun. Repus – et aussi pour limiter la tentation d’acheter de nouveaux souvenirs – nous rentrons nous reposer à notre maison d’hôte.
La vente d’un cuy (cochon d’Inde) en 3 étapes : négociation, choix de la bête, mise en sac !
Les indigènes descendent des Andes pour vendre leur plus belle bête au marché
Objets d’artisanat en bois
Le marché d’Otavalo, un rendez-vous hebdomadaire transgénérationnel
Le jour suivant, le soleil brille et le choix est difficile pour notre activité en plein air : les options pour randonner, monter à cheval ou observer la faune des Andes ne manquent pas. Nous nous décidons finalement pour la Laguna de Cuicocha, un lac de cratère situé à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest. Pour nous y rendre, ce n’est pas une partie de plaisir : nous devons prendre le bus depuis notre perchoir d’Iluman jusqu’au terminal de bus d’Otavalo, trouver un nouveau bus pour le village de Quiroga, puis négocier avec un chauffeur de camioneta le trajet jusqu’à la lagune. Nous finissons par arriver sur place, sommes surpris de ne pas payer de droit d’entrée et d’être les premiers randonneurs de la journée, et commençons à marcher vers 9h.
Les premiers mètres sont difficiles. Il faut dire qu’Otavalo se situe à 2600 mètres d’altitude, et la Lagune de Cuicocha à 3000 mètres. Notre corps a besoin de quelques minutes pour trouver son rythme et s’adapter à un apport moindre en oxygène. La première rampe, sur la crête du cratère d’une cheminée volcanique, permet de découvrir un paysage grandiose : un lac d’un joli bleu sombre ondule au gré du vent, entouré de hautes parois rocheuses, sur lequel semblent flotter deux îlots issus d’une éruption ultérieure. Cette randonnée de 14 kms fait le tour complet de la lagune, multipliant les angles de vue pour le plus grand plaisir de notre appareil photo. Naïvement, nous croyons avoir fait le plus dur lorsque nous dominons enfin le lac depuis un pavillon situé quelques centaines de mètres au-dessus du niveau de l’eau, le pic enneigé du Cotacachi derrière nous. Que nenni ! Après une descente raide, le sentier s’éloigne du bord de la lagune, s’enfonçant dans la végétation pour remonter encore plus haut et contourner quelque faille rocheuse. Des petits pains et des mandarines (les fameuses) nous donnent l’énergie de terminer la boucle en 4 heures pile, pas trop exténués. Une camioneta et un bus plus tard, nous arrivons au petit village éponyme de Cotacachi pour déjeuner d’une carne colorada (plat de viande badigeonnée d’une sauce de couleur rouge et grillée au barbecue, accompagnée de riz, purée et œuf au plat) et d’un menu del dia proche de nos déjeuners colombiens. Rassasiés, nous flânons dans les ruelles, admirant les superbes objets en cuir qui sont une spécialité de la ville. Le temps d’acheter un petit porte-monnaie pour une bouchée de pain, et nous enchaînons deux nouveaux bus pour revenir souffler à notre base : ouf !
La Laguna de Cuicocha dans son cadre de rêve
Les pentes du volcan sont éclatantes de couleurs
Ça passe tranquille entre les deux îles !
Début de la grimpette, on a encore le sourire !
Nous ne saurions finir cet article sans un mot sur notre hébergement à San Juan de Iluman dans l’Hostal El Tio. Initialement dégoté comme une alternative économique aux prix élevés du centre d’Otavalo, nous sommes tombés sous le charme de cette maison d’hôtes rustique et calme sur les contreforts de l’Imbabura. La vie montagnarde authentique du bourg, la gentillesse du propriétaire Jose et sa famille, les 8 chiens joueurs de la ferme qui nous ont protégés des autres molosses du village et des loups du volcan ont parfaitement répondu à nos attentes de tranquillité pour notre premier point de chute en Equateur. Nous sommes désormais prêts à nous fondre de nouveau dans un environnement plus urbain pour notre prochaine étape : la capitale Quito !
« Bienvenus » : notre sentiment immédiat à notre arrivée à Iluman
Le cœur de notre escorte canine : les 3 bergers allemands de la ferme
Notre havre de paix pour 3 jours en toute quiétude
Vue sur le pic du Cotacachi depuis notre chambre !
Plus de photos d’Otavalo et ses alentours, c’est par ici !
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Infos pratiques
Transport :
- De la frontière à Otavalo : une fois passé côté équatorien, prendre un taxi jaune partagé de 4 personnes jusqu’au terminal de Tulcan. La course dure 20 minutes et coûte 3,5 USD (taxi privatisé) ou 0,80 USD par personne. De Tulcan, des bus de différentes compagnies partent 4 fois par heure pour Quito. Le guichet unique vend des tickets pour le prochain bus avec des sièges disponibles. Le trajet jusqu’à Otavalo dure 3h et coûte 3,75 USD par personne.
- D’Otavalo à Quito : des bus partent très régulièrement du terminal de bus d’Otavalo jusqu’au terminal nord de Quito. Durée du trajet de 1h45 au tarif de 2,5 USD par personne.
Hébergement : El Tio Hostal à San Juan de Iluman, un peu au nord d’Otavalo. Chambre double basique mais charmante pour 10 USD par nuit, imbattable dans la région. Bancs, tables dans la cour, cuisine de la ferme utilisables à volonté. Douche chaude avec un filet d’eau limité, le chauffe-eau peinant à gérer une grosse quantité de l’eau glaciale qui descend du volcan. Pas de Wi-Fi dans la chambre, seulement à la réception à 7 minutes à pied, dans le centre du village. Super accueil et ambiance campagnarde, parfait pour une mise au vert.
Visites / activités :
- Marchés : le samedi, les trois marchés d’artisanat, quotidien et aux animaux tournent à plein régime. Les autres jours de la semaine, une version réduite des marchés d’artisanat et quotidien est ouverte. Les prix paraissent raisonnables et sont négociables, même s’ils enflent étonnamment à partir de 10h le matin quand les tours organisés de Quito arrivent sur place. Recommandation : finir ses vacances par Otavalo pour faire le plein de souvenirs !
- Tour de la Lagune de Cuicocha : se rendre à la lagune en indépendant n’est pas direct, mais se fait aisément. Du terminal de bus d’Otavalo, prendre un bus pour Quiroga (20 minutes et 0,35 USD). De la place centrale de Quiroga, des camionetas blanches peuvent vous emmener à la lagune à une dizaine de kms de là (aller négocié à 4 USD total, retour à 3 USD total).