Canberra – Au cœur du patriotisme australien

Ça y est : nous sommes partis pour notre road-trip d’une semaine entre Melbourne et Sydney ! Notre première étape nous emmène dans les terres, avec en ligne de mire la capitale australienne : nous avons nommé Canberra. La décision de fonder un centre administratif « national » à cet endroit fut prise en 1901, après la Fédération des différents Etats Australiens, auparavant des colonies britanniques indépendantes. Utopique dans sa conception, pensée de zéro comme une ville géométrique basée sur un quadrillage de grands axes suivant une figure hexagonale, Canberra supplanta effectivement Melbourne en tant que capitale à partir de 1927. Cette ville-nouvelle, dont le nom signifierait en langue aborigène « lieu de rassemblement », a toujours voulu représenter le cœur de la nouvelle nation australienne, malgré l’absence de toute activité économique ou sociale majeure préexistante. Alors, qu’en est-il aujourd’hui : coquille vide ou réelle fierté aussie ?

 

La route la plus directe entre Melbourne et Canberra traverse le Victoria vers le nord-ouest. Il faut compter environ 7 à 8 heures de conduite, soit une bonne journée de transport ! Si cela s’effectue sans doute très bien en 4×4 ou en voiture normale, cette traversée montagneuse par endroits est très exigeante pour notre imposant camping-car ! Et oui, nous voyageons à 4 pour la semaine, en compagnie de Sylvie (la maman de Daphné) et Damian (un ami Australien), et nous n’avons pas voulu sacrifier tout confort 🙂 Nous apprenons donc à manier ce monstre sur les routes vallonnées, et à part un voyant lumineux orange qui signale une légère surchauffe dans une montée, tout se passe globalement bien ! Nous faisons un court arrêt à Albury, à la frontière entre le Victoria (Etat de Melbourne) et le New South Wales (Etat de Sydney) pour un déjeuner champêtre. Après un coup d’œil aux jardins botaniques du village, nous roulons jusqu’à Gundagai, bourgade célèbre pour posséder le plus vieux pont en bois du pays : le Prince Alfred Bridge, 920 mètres de long pour 40 mètres maximum de travée, construit en… 1867 ! Encore deux petites heures de route alors que la nuit tombe, et nous arrivons enfin dans le Territoire de l’ACT (Australian Capital Territory) : ouf, quelle journée !

Les fameux ponts de Gundagai, anciens mais toujours debout !

 

  1. Le Parlement

Nous attaquons la journée du lendemain par une visite guidée du Parlement fédéral. Ce nouvel édifice fut ouvert en 1988 pour remplacer l’ancienne Maison du Parlement, qui abrite aujourd’hui le Musée de la Démocratie Australienne. Conçu par une équipe d’architectes internationaux sélectionnés parmi plus de 300 projets, le bâtiment est impressionnant. L’entrée se fait via un magnifique hall en marbre et bois précieux, dont les piliers en ogives symbolisent le bush australien. Après l’immense salle de réception, un petit bassin marque le centre du Parlement, dans lequel se reflètent plusieurs motifs muraux de l’étoile à 7 branches – une pour chaque Etat et une pour l’ensemble des 10 Territoires – utilisée pour figurer la constellation de la Croix du Sud sur le drapeau australien.

L’appareil législatif est composée de deux chambres, la Chambre des Représentants et le Sénat, qui débattent et publient les nouvelles lois. La navette parlementaire entre les deux chambres est assez similaire à la version française, mais avec un maximum de deux aller-retours pour chaque projet de loi. Les salles des Représentants et des Sénateurs, sobres et formelles, arborent des couleurs distinctes, respectivement rouge et vert bleuté, qui sont inspirées de deux types de « gum trees » ou eucalyptus typiques du bush australien.

Le toit du bâtiment est accessible au public, afin que chaque citoyen puisse, au sens propre et au sens figuré, être au-dessus du Parlement qui le représente. Ainsi perchés, sous le grand drapeau de 81 mètres de haut qui nous domine, nous bénéficions d’une magnifique vue à 360° sur la ville conçue par l’urbaniste Burley Griffin et l’esplanade qui s’étend jusqu’à l’Australian War Memorial. Plus proches, l’ancienne Maison du Parlement et la Tente Ambassade Aborigène se situent à mi-chemin du lac, après un couloir formé par deux hauts murs en V. Cette dernière rappelle que la lutte pour l’égalité des droits et la représentation des Aborigènes est toujours d’actualité. Les alentours sont d’ailleurs très boisés et de nombreuses variétés d’oiseaux peuplent les arbres. Nous restons un long moment à observer les couleurs d’automne.

A gauche, la Chambre des Représentants – A droite, le Sénat

 

Le drapeau sur le toit du Parlement est visible de loin !

 

Cacatoès et ibis animent les alentours du Parlement !

 

  1. La Bibliothèque Nationale & le Musée National d’Australie

Notre promenade nous conduit ensuite aux abords du lac Burley Griffin, jusqu’à la Bibliothèque Nationale. Véritable centre des archives du pays, cette institution a déjà réussi à rassembler plus 6 millions de livres ! Mais le plus intéressant pour nous est la Galerie des Trésors qu’elle héberge, une collection d’art et d’objets historiques majeurs. Nous retiendrons notamment les premières cartes de l’Australie établies par les navigateurs hollandais ou français à partir du XVIème siècle, le journal de bord de James Cook lors de son voyage à bord de l’Endeavour en 1770 ou encore la liste des mutins du Bounty établie par le Capitaine Bligh… Les estomacs gargouillent, et nous cassons la croûte près du lac.

L’après-midi est consacré au Musée National d’Australie, réputé pour être l’un des meilleurs du pays. L’extérieur est une œuvre d’art contemporain à part entière, qui nous plonge directement dans l’ambiance. L’intérieur est quant à lui étonnamment éclectique : des sections thématiques présentent pêle-mêle des exposés sur les dates clés de l’histoire de l’Australie Britannique, la laine du plus gros mouton au monde (42 kg de laine pour sa première tonte !), les incendies les plus dramatiques du bush dont les derniers dans les années 2000, des présentations succinctes de tous les lieux majeurs du pays, la « colonisation » du pays par les lapins et autres animaux européens introduits au XVIIIème siècle, ou encore les récits de l’exploration du bush. Il est assez drôle d’imaginer les anciennes croyances assurant qu’une mer gigantesque au milieu de l’Australie était la source de toutes les rivières du pays ! Si certaines parties sont réellement instructives, cela reste assez difficile de se faire une vue d’ensemble dans ce joyeux bazar !

Pour les fans de sport, les flammes olympiques des JO de Melbourne (1956) et Sydney (2000)

 

Le journal de bord de James Cook lors de sa découverte de l’Australie !

 

Énigmatique design extérieur du Musée National…

 

  1. L’Australian War Memorial

Notre dernier focus se porte sur l’un des musées les plus intéressants, dédié principalement à l’effort de mémoire de la participation de l’Australie aux deux Guerres Mondiales. Même pour nous autres non-Australiens, le recueillement est de mise dès l’entrée dans le site et les premiers regards sur cette cour rectangulaire abritant un bassin bordé de gerbes de fleurs. Tout autour, sur les murs, s’affichent les noms de tous les soldats Australiens morts au combat dans les différents conflits, du début du XXème siècle à nos jours. Des poppys (coquelicots) sont glissés dans les plaques de métal en hommage à ces valeureux combattants. A l’opposé de l’entrée, une flamme brûle en permanence sur la tombe du soldat inconnu. Il est particulièrement intéressant pour nous d’assister à l’un des hommages quotidiens, juste avant la fermeture du Mémorial, en l’honneur d’un soldat – cérémonie à laquelle sont présents les proches, des représentants de l’Armée et autres militaires du même Corps d’Armée que le disparu.

Sous cette première cour, les nombreuses salles du musée retracent la participation du pays aux différents conflits. D’impressionnantes peintures illustrent la bataille de Gallipoli – la première en tant que pays « Australie » et non colonie de l’Empire Britannique – et celles des îles du Pacifique. Les dioramas si réalistes sur la bataille de la Somme et le son-et-lumière avec des avions et sous-marins réels dans l’ANZAC Hall, dont une bataille aérienne produite et mise en scène par Peter Jackson, sont particulièrement marquants. On retiendra aussi l’histoire de la Victoria Cross, la décoration ultime pour les soldats du Commonwealth, accordée pour un acte de grande bravoure en face de l’ennemi… ce qui la rend particulièrement difficile à obtenir pour la Marine ! Ce musée est littéralement passionnant, et mêmes les longues heures que nous y avons consacrées n’ont pas suffi à en faire le tour. Notre intérêt et la résonnance de ce Mémorial auront été d’autant plus forts que cette visite a eu lieu une semaine seulement après l’ANZAC Day (fête nationale), suivi à la télévision depuis Melbourne.

Toutefois, malgré toutes les louanges que l’on peut porter à ce Musée, certains éléments nous auront parfois gênés dans le discours de la guide du Mémorial. Certaines approximations ou simplifications visant à magnifier la position et le rôle de l’Australie dans l’Histoire furent en quelques occasions des ficelles un peu grosses pour qui s’intéresse un tant soit peu à la vérité historique. Et nous n’avons pu que nous étonner de la sorte de fascination ou délectation presque morbide pour la guerre qui transparaît au travers de certains commentaires, et trouvent un écho jusque dans le nom du musée lui-même : Australian War Memorial. Cette volonté d’exacerber le patriotisme et la figure du héros Australie serait-elle un signe d’une jeune nation en manque de moments historiques collectivement marquants, qui chercherait encore à s’affirmer et s’identifier en tant que pays ?

L’imposante entrée du Mémorial

 

Les poppies en mémoire des soldats morts au combat

 

Les dioramas des tranchées sont on ne peut plus réalistes

 

Pour revenir à notre interrogation introductive, nous sommes convaincus que Canberra est une ville qui combine intérêts historiques, politiques et culturels, et vaut indéniablement le détour quelle que soit la durée d’un séjour en Australie. Au-delà des lieux d’art et de mémoire, elle nous a donné l’image d’une cité qui vit. Lieu symbolique d’unification et de construction de la nation australienne qui peut apparaître quelque peu artificiel dans sa conception, Canberra n’en reste pas moins un maillon indispensable de l’identité du pays, dont affleure encore à la surface cette volonté de réconcilier sa courte histoire britannique avec les origines plus lointaines de sa terre et de ses populations indigènes.

Pour promouvoir cette terre nouvelle, vive le marketing coloré !

 

Plus de photos de Canberra, c’est par  !

 

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Infos pratiques

Transport : 650 km effectués de Melbourne à Canberra en environ 8h de conduite effective en camping-car. Tronçons parfois vallonnés !

Visites / activités :

  • Parlement : entrée gratuite ; plusieurs visites guidées par jour qui valent la peine ! La nôtre a démarré à 9h30 pour une durée de 45 minutes environ.
  • Bibliothèque Nationale : entrée gratuite ; les tours guidés de la Galerie des Trésors démarrent de l’entrée de la Bibliothèque à 11h, pour une durée de 1h à 1h30 suivant le zèle de votre guide.
  • Musée National d’Australie : entrée gratuite ; musée intéressant bien qu’assez éclectique. Mieux vaut cibler les sections qui vous intéressent le plus et y aller directement.
  • Australian War Memorial : site très émouvant et solennel. Intéressantes visites guidées qui partent de l’entrée du Musée à 10h, durée environ 2h. Une cérémonie en l’honneur d’un soldat se tient tous les jours vers 16h45 juste avant la fermeture du Mémorial et donne notamment à entendre l’hymne australien dans un moment de recueillement.

 

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