Copacabana – Sur les rives du Lac Titicaca

La route d’altitude qui nous mène de Puno au Pérou à la frontière bolivienne pourrait presque paraître interminable, s’il n’y avait la féérie du paysage. Et pour cause : elle épouse les rives du gigantesque Lac Titicaca – 8400 km² – perché à plus de 3800 mètres au-dessus du niveau de la mer ! Il n’est pas étonnant que les Incas aient considéré ce lieu majestueux comme le berceau de leur civilisation. C’est donc avec plaisir et nostalgie que nous y revenons pour la seconde fois, plus de huit ans après nos premières aventures péruviennes…

 

Copacabana

Une fois passée la frontière, nous débouchons immédiatement sur un petit village coincé entre deux collines, juste au sud du lac : voici Copacabana ! Malgré les échoppes de souvenirs et restaurants pour touristes qui s’alignent le long de la calle principale, cette bourgade tranquille a su préserver une atmosphère agréable et authentique, avec ses mamas boliviennes enveloppées dans leurs robes traditionnelles, leur double natte de cheveux attachée au moyen de quelques rubans colorés.

Les sites d’intérêt de Copacabana sont assez peu nombreux, mais il est plaisant de s’y promener une journée avant (ou après) avoir sillonné les eaux pures du Titicaca adjacent. Le principal monument de la ville est sa cathédrale de style mudéjar, notamment connue pour abriter une célèbre statue de la Virgen de la Candelaria. Cette image, sculptée à la fin du XVIème siècle par le petit-fils d’un empereur inca, Francisco Tito Yupanqui, s’est vue attribuer de nombreux miracles médicaux au fil des âges. Double conséquence : la statue fut canonisée par le pape en 1925 et est devenue un important lieu de pèlerinage local. Hormis cette rare illumination culturelle, ce sont surtout les vues sur le lac qui ont eu notre préférence. Le front de mer tout d’abord, avec ce qui peut être considéré comme la seule « plage » publique de Bolivie, le reste du pays étant enclavé et sans accès à la mer depuis la perte de la Guerre du Pacifique face au Chili ! Toutefois, n’étant pas très motivés par une session pédalo en forme de canard, et en l’absence de sable ou baignade possible, nous décidons de prendre un peu de hauteur, à presque 4000 mètres, au sommet du Cerro Calvario ! La montée jusqu’à ce point de vue est pour beaucoup un véritable chemin de croix vu l’altitude, mais le panorama sur le lac, la ville et le port vaut 100 fois les efforts consentis. Agréablement perchés, nous en profitons pour méditer sur notre avenir sur ce lieu mythique de la création du monde inca…

La jolie cathédrale de Copacabana

 

Ça valait le coup de monter au Cerro Calvario !

 

« C’est nos vêtements troués qui vous font rire ? »

 

Lac Titicaca

L’attrait principal de Copacabana reste néanmoins d’être la meilleure porte d’accès au lac côté bolivien ! Lors de notre première visite chez le voisin péruvien, ce furent avant tout les couleurs et les lumières, rendues éclatantes par l’air pur et sec, qui nous avaient frappées ! Nous avions aussi particulièrement apprécié notre retraite d’une nuit sur l’île de Taquile, et avons décidé de renouveler l’expérience, cette fois-ci sur les Îles du Soleil et de la Lune !

 

Isla de la Luna

Nous nous réveillons sous une pluie intense qui n’augure rien de bon pour notre expédition lacustre. L’attente sur le port s’opère abrités tant bien que mal sous un porche voisin avec nos capuches qui dégoulinent. A l’heure de l’embarquement, le bateau se remplit et s’élance doucement sur les flots calmes… mais à notre grande surprise, ne prend pas de vitesse ! Bien que la distance à parcourir soit courte, l’allure d’escargot de notre embarcation nous laisse presque deux heures à regarder la pluie rebondir sur les vitres et la surface du lac.

Nous finissons néanmoins par atteindre un petit débarcadère au pied de l’Isla de la Luna. Une volée de marches plus tard, et nous sommes devant les ruines du Temple de la Lune, principal édifice du rocher, partiellement restauré. Il est ici question d’une esplanade rectangulaire herbeuse entre deux murs d’adobe qui arborent plusieurs ouvertures en forme de croix andine. Le lama qui broute paisiblement au-dessus du sanctuaire ajoute au côté pittoresque de la scène. Nous grimpons ensuite une petite côte jusqu’au sommet de l’île, exercice anodin qui nous laisse complètement essoufflés à cause de l’altitude ! Le cadre est là aussi on ne peut plus bucolique, avec quelques moutons qui broutent, les eaux bleu roi du Lac Titicaca en arrière-plan. Perdus dans nos pensées devant ce paysage inspirant, il nous en coûte une redescente rapide pour ne pas louper le bateau ! Au final, cette Île de la Lune est jolie à voir mais ne nécessite pas plus d’une heure de visite, ce qui par le plus grand des hasards est exactement la durée prévue par notre tour !

Le Temple de la Lune, tout de pierre et terre

 

La croix andine (en creux), motif fréquent dans les constructions incas

 

Zone de broutage avec vue

 

Isla del Sol

Après cette première étape rapide, nous attaquons le plat principal en accostant au sud de l’Île du Soleil. C’est d’ailleurs le nom initial de cette terre émergée – Titi Khar’ka, signifiant Rocher du Puma – qui a donné celui du Lac ! Considéré comme le lieu de naissance du Dieu Soleil, qui en fit ensuite jaillir Viracocha (le principal dieu-roi à barbe blanche), Manco Capac (le premier Inca) et Mama Ocllo (sa femme-sœur), l’Île du Soleil est étroitement associée à ce mythe fondateur reconnu par la majorité des populations Quechua et Aymara du Pérou et de la Bolivie.

Pressés d’arpenter ces chemins escarpés, nous descendons, peut-être un peu trop tôt, dès l’arrêt du bateau au premier ponton. Abandonnés par le guide et son groupe que nous avons décidé de ne pas suivre, nous nous retrouvons bientôt seuls au monde : parfait pour parcourir sereinement nos premiers pas sur l’île. Les petites ruines du Temple de Pilcocaina constituent un sympathique lieu de pique-nique, et nous déballons nos sandwiches sur un muret opportunément placé. Est-ce dû au nom de l’île ? Toujours est-il que le soleil sort enfin le bout de son nez, nous réchauffant au meilleur moment de ses doux rayons dorés !

Nous rejoignons ensuite les premières maisonnettes, lieu d’hébergement touristique principal de l’île : le village de Yumani. Sans faire de pause, nous poursuivons immédiatement vers le nord avec nos sacs sur le dos : nous avons en effet pour objectif d’arriver à Challapampa avant le soir pour trouver une auberge et visiter les ruines majeures le lendemain matin. Une fois sorti du village, le sentier s’estompe et nous devinons des chemins empruntés par les locaux à travers champs. Au bout de quelques dizaines de minutes, une magnifique vue en plongée sur la plage de Challa s’offre à nous. Mais, alors que nous descendons à bon rythme vers cette langue de sable, un jeune local commence à nous parler et nous expliquer que le chemin est fermé : personne ne doit passer. La raison : un conflit inter-villages, une brouille entre Challa et Challapampa. Attirés par la manne touristique amenée via le débarcadère nord de l’île au village de Challapampa, proche des ruines incas, les habitants de Challa auraient construits des hébergements qui se seraient vus brûlés par des voisins septentrionaux pas assez partageurs. Toujours est-il qu’en représailles, les locaux de Challa ont fermé le port nord et les routes d’accès depuis le sud, enclavant Challapampa et le privant de toute arrivée de touristes ! Il paraîtrait que le conflit dure depuis plus de 6 mois et est débattu dans tous les journaux. Arrivés depuis la veille en Bolivie, nous n’avions évidemment pas l’info, et comprenons assez vite que nous n’arriverons pas à contourner le blocus sans nous mettre personnellement à risque…

Un peu frustrés, nous revenons sur nos pas et nous mettons en quête d’un gîte pour la nuit. C’est rapidement chose faite, et nous pouvons occuper la fin d’après-midi par une nouvelle grimpette jusqu’au Cerro Palla Khasa, magnifique perchoir pour observer le coucher du soleil avec la Cordillera Real enneigée en arrière-plan ! Par contre, pour l’authenticité, on repassera : au-delà de la plate-forme d’observation en béton branlant, même les photos de lamas nécessitent paiement… Malgré cette expérience partiellement dénaturée, le cadre mérite définitivement le détour et la nuit sur place. Une pizza au feu de bois – qui semble être la spécialité de tous les restaurants de Yumani – étonnamment bonne nous rassasie avant une nuit écrasée par une tonne de couvertures en laine. Le lendemain, nous nous baladons une dernière fois sur les hauteurs avant de redescente par la source et l’escalier de l’inca, assaillis par un nuage de mouches tenaces. Heureusement que nous nous y étions pris tôt : à peine notre billet de navette retour acheté, pour un départ théorique à 10h30, on nous indique qu’il faut y aller car le bateau démarre, à moitié vide… avec plus d’une heure d’avance !

Notre pause pique-nique sous un ciel bleu !

 

Prendre de la hauteur révèle la beauté des paysages

 

Et l’Île du Soleil s’endort paisiblement…

 

Vue plongeante sur la pointe de Yampupata (côté continent)

 

A l’heure du bilan, nous sommes légèrement déçus de ne pas avoir pu explorer les ruines incas du nord de l’Île du Soleil, en raison du problème de voisinage autochtone. La météo fluctuante n’aura pas non plus permis au lac de nous laisser la même impression rétinienne qu’il y a 8 ans. Cependant, nous fûmes ravis de ce premier arrêt en Bolivie et de ces retrouvailles avec le Titicaca qui, tel un vieil ami, est resté fidèle à ses valeurs et conforme à nos meilleurs souvenirs !

 

Bolivienne âgée du Détroit de Tiquina

 

Plus de photos de Copacabana et du Lac Titicaca, c’est par ici !

 

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Infos pratiques

Transport :

  • De Puno (Pérou) à Copacabana (Bolivie) : plusieurs compagnies desservent Copacabana depuis le terminal de Puno, départs réguliers en matinée et début d’après-midi. Billet à 20 PEN par personne + 1,5 PEN de taxe de terminal. Trajet d’environ 2h30.
  • Passage de frontière Kasani : immigration facile et « propre », nombreux panneaux anti-corruption, seulement quelques minutes nécessaires pour obtenir les deux tampons. Attention, l’officiel bolivien ne délivre que 30 jours, mais il est également très facile et gratuit de faire étendre cette durée pour 30 ou 60 jours supplémentaires dans les principales villes boliviennes (nous l’avons fait à Sucre en moins de 10 minutes incluant les photocopies).
  • De Copacabana à La Paz : les bus partent de la place centrale, avec une fréquence plus élevée le matin. Compter 25 BOB pour le trajet en bus (durée de 3h jusqu’à l’entrée de l’agglomération, 4h jusqu’au terminus au Cementerio) + 2 BOB pour la barge qui traverse le détroit de Tiquina environ 1h-1h30 après être partis de Copacabana.

Hébergement : deux nuits passées à l’hôtel Luz Yhobimar, très basique. Chambre avec salle de bains partagée et douche solaire (donc souvent froide…) à 50 BOB pour 2. Personnel agréable et Wi-Fi de bonne qualité.

Visites à Copacabana :

  • Cathédrale : le monument principal de la ville qui vaut le coup d’œil, entrée gratuite.
  • Musée Taypi : anciennement situé dans l’hôtel du même nom, il est fermé depuis plus de 2 ans contrairement à ce qu’indiquent certains guides de voyage…
  • Cerro Calvario : montée de 20-30 minutes depuis le centre-ville ou le port, avec un point de vue imprenable sur la ville et le lac.

Visite et déplacement sur le lac :

  • Bateau aller Copacabana – Isla de la Luna – Isla del Sol : réservé via une agence quelconque de la rue principale pour 25 BOB par personne. Départ à 8h30 de Copacabana, court arrêt à Isla del Sol vers 10h15 puis arrivée à Isla de la Luna à 11h.
  • Isla de la Luna : ticket d’entrée sur l’île coûtant 10 BOB par personne. Le bateau attend une heure avant de repartir vers Isla del Sol, ce qui est suffisant pour parcourir le site.
  • Isla del Sol : entrée de la partie sud à Yumani à 10 BOB par personne. Normalement, deux chemins permettent de parcourir l’île du nord au sud et vice-versa, mais les routes jusqu’à Challa et Challapampa sont actuellement fermées, tout comme l’embarcadère nord.
  • Nuit à l’Hostal Pachakuti : bon rapport qualité-prix de cet hôtel basique, qui offre dans chaque chambre double une douche (presque) chaude et un gros tas de couverture. Prix de 60 BOB la nuit, très raisonnable par rapport aux autres hébergements.
  • Bateau retour Isla del Sol – Copacabana : réservé le matin même du départ pour 25 BOB par personne (prix officiel affiché). Départ normalement à 10h30 le matin, mais le nôtre est parti à 9h20 (!). Durée de la traversée de 1h15 environ.

 

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