Zona Cafetera – Au pays de l’arabica et des palmiers de cire

A peine remis de nos aventures glaciaires, nous nous enfonçons plus profond dans le département du Quindio, pour une mise au vert régénératrice à Salento. Ce petit village, situé au cœur du Triangle du Café inscrit au Patrimoine Mondial de l’Unesco en tant que « Paysage Culturel » depuis 2011, constitue en effet un havre de paix pour refaire le plein d’énergie avant notre longue route vers l’Equateur. Une étape revigorante, à base bien sûr de petits grains noirs, mais aussi de jeeps, de palmiers, de colibris et d’explosifs !

 

Salento

Incroyablement bien placé au milieu de montagnes verdoyantes, Salento représente l’archétype du petit village paisa : vie communale qui gravite autour de la place centrale, église imposante comme point névralgique, maisons claires aux portes et volets colorés. Nous sommes instantanément séduits par l’ambiance décontractée qui y règne, tout comme dans l’auberge familiale que nous avons choisie comme point de chute pour trois jours. Arrivés à la mi-journée, nous partons immédiatement arpenter les sentiers vallonnés pour découvrir tous les secrets de la star locale : le café ! Après quelques kilomètres de marche, la finca El Ocaso nous ouvre ses portes pour un tour de la plantation caféière en petit groupe. Spécialisé dans l’arabica, la Colombie est le troisième exportateur mondial de café, derrière le Brésil et le Vietnam, juste devant l’Indonésie. À eux quatre, ces pays représentent plus de 75% de la production de la planète !

Notre guide nous explique le processus de production de la ferme depuis son origine. Une fois la graine mise en terre, deux transplantations de l’arbre à café sont réalisées au bout de quelques semaines jusqu’à son emplacement final. La branche principale du plant donnera des grains pendant 5 ans, le plant pouvant générer trois troncs successifs au cours de son existence, après coupe nette du premier pied à une vingtaine de centimètre du sol : chaque « arbre » à café aura donc une durée de vie d’environ 15 ans. Une fois mûrs – lorsqu’ils se colorent de rouge, ou plus rarement, de jaune – les grains sont ramassés par des saisonniers dans de grands paniers tressés, portés à la taille ou sur le dos. Un bon ramasseur collecte en moyenne 80 à 120 kilos de café en une journée, le record s’établissant à environ 200 kilos ! Ensuite, une machine ingénieuse inventée par un Allemand il y a plus de 120 ans (et toujours utilisée) sépare la coquille de la graine, qui est ensuite « nettoyée » mécaniquement pour enlever une couche visqueuse protectrice. Après séchage, industriel ou artisanal, la deuxième coquille est ôtée : il ne reste plus que le grain final, de couleur blanche-jaune, qui peut enfin être torréfié, ce qui lui donne la belle teinte noire que l’on connaît, et être empaqueté. C’est la fin de la visite, et nous pouvons enfin déguster une tasse de ce fameux breuvage, moulu à la main et filtré lentement dans une poche de coton s’il-vous-plaît ! Surprenant au départ car moins corsé que les expressos (robusta) dont nous avons l’habitude, ce café « filtre » est parfaitement équilibré, ne laissant ni amertume ni acidité dans la bouche. On se laisse même convaincre d’en acheter un paquet en souvenir !

Les grains de café au séchage avant torréfaction

 

Juan Valdez, symbole et gage de qualité du café colombien !

 

La dégustation, petit plaisir en fin de visite

 

Autre découverte amusante de notre séjour à Salento : le tejo. Ce jeu d’adresse, pratiqué largement dans tout le Centre de la Colombie, est un curieux mélange entre nos jeux de pétanque et de palet… mais avec des explosifs ! Une planche de bois inclinée à 30 degrés est recouverte d’une épaisse couche de glaise. Au centre, un anneau de métal accueille sur son pourtour de petits sachets blancs remplis de poudre (6 ou 7 pour les touristes, seulement 1 pour les locaux puristes J). L’objectif est simple : lancer son palet de fer dans le tas et faire péter tout ça ! Une explosion vaut 3 points, un palet dans l’anneau sans explosion 6 points, et un palet en plein centre avec explosion 9 points. Il paraît que l’adrénaline et la tension atteignent leur paroxysme après plusieurs bières… On se contentera néanmoins d’une pour savourer notre dîner et pouvoir nous lever le lendemain matin !

Enfin, notre séjour à Salento nous donne l’opportunité de rencontrer Lubna, une amie d’ami, qui a quitté sa carrière en banque pour venir ouvrir un café ici. Nous passons une superbe soirée autour d’un plat de truite – étonnamment une autre spécialité locale – et un canelazo, cocktail à base d’aguardiente (l’alcool national colombien), de la cannelle, du citron et de la panela (sucre de canne). Nous découvrons ensuite le local du futur café de Lubna – lancement imminent ! – un concept cool, avec déco sympa, excellent café, pâtisseries gourmandes et Wi-Fi illimité.

La mignonne petite église de Salento au crépuscule

 

Le tejo en 3 étapes : visez, lancez… raté !

 

On a bien mérité un petit canelazo !

 

Filandia

Notre base de Salento nous permet d’explorer les alentours assez facilement. Une combinaison de deux bus nous emmène rapidement jusqu’à Filandia, une sorte d’alter ego de Salento un peu plus confidentiel. Nous sommes ravis de découvrir la place centrale et les petites rues adjacentes, extrêmement colorées, avec un nombre de touristes bien inférieur au village voisin. Un étonnant mirador en bois en colimaçon, situé au sommet d’une colline, nous donne une vue d’aigle sur les monts environnants, le clocher de l’église et le quadrillage de calles et carreras pavées. De retour dans le bourg, nous prenons plaisir à errer aléatoirement dans les ruelles, au rythme lent des locaux qui cherchent l’ombre à l’aplomb des toitures. De nombreuses échoppes vendent de jolis paniers de lianes tressés, spécialité de Filandia. Initialement produits pour les semailles et la récolte du café, ces ouvrages fins sont désormais principalement destinés aux touristes de passage. Nous déjeunons d’un classique menu corriente, observons la vallée depuis un dernier point de vue, puis rentrons à Salento, ravis de cette courte escapade d’une demi-journée.

Les ruelles de Filandia, une explosion de couleurs

 

Contemplation du village, depuis la colline au mirador

 

Le beau clocher de l’église, sur la place centrale

 

Valle de Cocora

Outre tous ses atouts déjà mentionnés, Salento attire aussi un flot massif de passionnés de la nature et de la randonnée. En effet, le village est la porte d’entrée de l’un des paysages les plus incroyables de Colombie : la vallée de Cocora et ses magnifiques palmiers de cire. Cet arbre, qui peut atteindre plus de 60 mètres de hauteur – un record mondial dans sa catégorie – est aussi l’un des emblèmes nationaux du pays. Adjacent au Parc Naturel National de Los Nevados, le site offre une superbe possibilité de balade via une boucle d’environ 5h, aisément parcourue en indépendant. Il ne faut pas nous le dire deux fois, et nous nous rendons de bon matin sur la place centrale de Salento pour sauter dans notre moyen de locomotion à destination de Cocora, hameau qui sert de point d’entrée à la vallée du même nom. Quel moyen de locomotion ? Une jeep Willys, pardi ! Ce véhicule tout-terrain, survivant de la Deuxième Guerre Mondiale, est devenu le principal moyen de transport des alentours de Salento et de la Vallée de Cocora. Issues d’un surplus de l’armée américaine dans les années 1950, ces jeeps ont vite conquis le cœur des producteurs de café, fruits, légumes, lait, viande et toutes autres denrées locales pour sa résistance et sa contenance. Aujourd’hui, si elles sont toujours utilisées pour les activités agricoles, ces voitures d’un autre temps servent surtout à entasser une nouvelle marchandise : le touriste ! Et ce, par grappes de 15 individus, qu’ils soient assis à l’intérieur ou debout sur la plateforme arrière.

Une fois descendus du bolide, nous entamons la marche en remontant doucement le long du ruisseau principal. Des grappes de palmiers sont visibles de loin, sur les hauteurs des montagnes environnantes, sentinelles équilibristes étonnamment droites malgré le léger vent. Les champs et pâturages font rapidement place à la forêt tropicale, et le sentier en pente douce se transforme progressivement en escalade de rochers et passages à gué. Au bout de 2 heures, nous atteignons la bifurcation vers la Reserva Natural Acaime. Nous choisissons de monter les raides escaliers de ce détour pour aller observer un nouveau spectacle naturel fascinant : une douzaine de colibris qui butinent fleurs et assiettes d’eau sucrées contrôlées par les quelques employés de la réserve. La vitesse de battement d’aile et de déplacement de ces petits oiseaux colorés est tout simplement hallucinante ! Inclus dans le modique droit d’accès, un chocolat chaud au fromage (spécialité colombienne meilleure qu’elle en a l’air) nous requinque pour la descente, puis la rude montée vers la Finca La Montaña.

De ce nouveau point de vue, nous observons comment les hautes barres rocheuses qui encastrent la vallée se rejoignent pour former un mur quasi-infranchissable. Notre route redescend doucement vers Cocora, passant au passage au pied de grappes de palmiers de cire, qui nous font nous sentir tout petit. Des broméliacées, peu impressionnées par la hauteur vertigineuse, ont même réussi à élire domicile au milieu de leurs troncs ! Plus nous perdons de l’altitude, plus les palmiers sont nombreux, et plus les touristes fourmillent ! Beaucoup de Colombiens ont en effet profité de ce week-end prolongé pour se promener ici, parfois à cheval, principalement sur un court aller-retour depuis le village, zone où nous les rencontrons. Après une courte attente, la jeep nous ramène à Salento. Une bandeja paisa – plat gargantuesque typique incluant plusieurs types de viande, du riz, des haricots rouges, des bananes plantains, de l’avocat et des œufs – bien méritée nous permet de refaire le plein de calories !

Le moyen de transport typique de la Zona Cafetera

 

Les palmiers de cire, géants de leur espèce !

 

Une forêt de palmiers dans la vallée

 

Colibris en action !

 

Plus de photos de Salento et la zone caféière, c’est par ici !

 

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Infos pratiques

Transport :

  • De Manizales à Salento : un premier bus permet de rejoindre le terminal de Pereira par une route sinueuse avec de belles vues (52 km, 1h30, 10 000 COP). De là, un minibus bondé de la compagnie Alcala part 6 fois par jour en semaine et toutes les heures le week-end pour Salento (36 km, 1h, 7 000 COP).
  • Trajet Salento – Filandia : la route ne fait que 21 km, mais elle n’est pas vraiment directe. De Salento, il faut prendre un premier bus direction Armenia en se faisant déposer au Cruce ou Las Flores, à la jonction de la route principale (2 000 COP). De là, héler un bus vers Filandia (2 500 COP). Au retour, prendre un bus pour Armenia puis se faire déposer au même croisement pour reprendre un bus à destination de Salento.
  • Trajet Salento – Cocora : les jeeps Willys partent de la place centrale de Salento quand elles sont pleines, surtout le matin. Durée de trajet d’environ 30 minutes pour un coût de 3 800 COP par personne.
  • De Salento à Armenia : trajet direct de 28 km qui prend généralement environ 1h, pour un prix de 4 200 COP par personne. Les bus partent de la place centrale en semaine ou du terminal de Salento légèrement en contrebas du village, en descendant vers la route principale Pereira – Armenia.

Hébergement : Ecohostal Las Camelias à Salento, ambiance conviviale comme à la maison ou à la ferme, dans un cadre bucolique avec une vue imprenable sur les montagnes. Parties communes vastes et bien aménagées, nettoyées régulièrement. Situé un peu en dehors du centre de Salento, à 10 minutes à pied de la place principale, donc très calme. Nuit en tente pour deux personnes à 44 000 COP, lit en dortoir de 23 000 à 25 000 COP ; le petit-déjeuner est inclus.

Visites / activités :

  • Salento
    • Finca El Ocaso : ce producteur de café fut le premier à proposer des tours explicatifs sur le café. Le tarif de la visite (15 000 COP par personne) est donc plus élevé que les trois autres fermes alentours, et a doublé en 2 ans ! Ceci étant dit, le tour dure 1h30, avec des explications de très bonne qualité et une tasse de café à la fin.
    • Cancha de Tejo Los Amigos : endroit très sympathique où touristes et locaux se côtoient pour jouer au tejo et au sapo. Prix raisonnable de 2 000 COP pour une partie de tejo aussi longtemps que durent les explosifs et 5 000 COP la bière.
    • Le k’fee : nouveau lieu cosy lancé par Lubna, proposant cafés et pâtisseries de qualité, avec Wi-Fi gratuit à disposition. Adresse : carrera 4 # 3-16, 631020 Salento (Quindío) et site web : https://www.facebook.com/lekfeecoffeeshop/. On recommande chaudement !
  • Filandia – Colina Iluminada : tour-mirador en bois qui permet d’observer les collines environnantes à 360° via 8 plateformes. Entrée à 8 000 COP par personne.
  • Valle de Cocora – Ferme aux Colibris dans la Reserva Natural Acaime : entrée à seulement 5 000 COP incluant une boisson au choix. Voir les colibris est quasiment garanti et le modeste prix d’entrée sert simplement à la préservation de ces magnifiques oiseaux et leur écosystème.

 

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