Fraser Island – Qui a peur du grand méchant dingo ?

Fraser Island est la plus grande île de sable du monde : pas moins de 123 km de long et 25 km de large, à quatre heures au Nord de Brisbane. Pour la découvrir, plusieurs options sont décrites dans les offices de tourisme et autres guides : louer un 4×4 et découvrir l’île par nous-mêmes, se joindre à un groupe « tag along » où plusieurs 4×4 se suivent selon un itinéraire prédéfini par une auberge de jeunesse ou prendre un tour organisé en minibus (4×4 lui aussi). Et puis… les prix prohibitifs, la perspective de polluer outrageusement, on s’est demandé si ce n’était pas possible à pied. Allez, on part marcher !

Prélude

Parce qu’il existe en effet une « great walk », sentier de grande randonnée, qui parcoure le centre de l’île du Sud au Nord sur environ 80 km, et plusieurs sentiers d’accès depuis les villages ou quais de ferry. Mais ceux-ci sont peu connus, en témoigne la réaction de la vendeuse de tickets de ferry :

  • Nous : Bonjour, nous voudrions deux tickets piétons pour Wanggoolba Creek !
  • Vendeuse : Sans voiture ?
  • Nous : Oui sans voiture.
  • Vendeuse : Mais, vous savez, il n’y a rien à Wanggoolba Creek…
  • Nous (espérant très fort que la carte des parcs nationaux est correcte) : Bah si, il doit y avoir un départ de sentier de randonnée.
  • Vendeuse : Un départ de quoi ? Pas que je sache. Vous savez, il n’y a même pas un magasin là-bas, au cas où vous avez oublié quelque chose.
  • Nous (pensant, hum, oui, c’est le principe d’une randonnée en indépendant) : OK, c’est compris. Est-ce qu’on peut avoir deux tickets piétons ?

Elle nous a vendu les tickets, en se disant sans doute que ces deux cinglés de Français allaient se perdre et se faire dévorer par les dingos, si l’éloignement de la société de consommation ne les a pas tué avant. Pour ajouter à la complexité de la situation, le ferry prévu à 8h30 ne part pas avant 10h15 en raison des marées (mais le gars des renseignements au téléphone ne l’avait pas mentionné, bien sûr), et bim, deux heures de retard sur le planning de marche, il va falloir se dépêcher… Nous embarquons enfin, sous un grand soleil et profitons de la traversée sur le pont supérieur : comme prévu, nous sommes les deux seuls piétons, alors que les 4×4 s’alignent sur le pont inférieur. A notre grand soulagement, à peine débarqués de l’autre côté et notre carte topographique en main, le sentier est bien fléché dès le début !

 

Notre itinéraire sur trois jours (Jour 1 en rouge, Jour 2 en volet, Jour 3 en bleu)

 

Jour 1 : De Wanggoolba Creek à Central Station

14,9 km, 4h de marche effective, 5h20 au total passées sur le chemin (toutes pauses inclues)

Les trois premiers kilomètres du sentier longent la piste empruntée par les 4×4 : compte-tenu du fait que nous avons débarqué en dernier, tous les véhicules présents sur le ferry nous ont devancés et nous ne serons pas gênés par leur passage. A gauche, une sorte de marais qui correspond à l’estuaire du ruisseau Wanggoolba, avec des mangroves et une odeur de boue pas très agréable. A droite, l’aérodrome de Fraser Island, pas très actif a priori : quelques publicités proposent de faire du saut en parachute mais le lieu est désert. Au premier embranchement, le sentier quitte la route partagée avec nos amis motorisés pour s’enfoncer dans la forêt, plus haute et plus dense, composée majoritairement d’eucalyptus (ou gum trees). La piste est effectivement faite de sable (comme tout le sol de Fraser Island), mais bien tassé et recouvert de feuilles mortes, ce qui nous permet de progresser à un rythme correct : n’imaginez pas une randonnée sur terrain meuble comme une plage !

 

Et voilà notre ferry !

 

Entrelacement de mangroves

 

Parenthèse « dingos » : Les dingos sont des genres de chiens sauvages australiens et sont nombreux sur l’île. Suite à un tragique accident en 2001 (un petit garçon étant décédé du fait d’une morsure de dingo), le gouvernement a mis en place de nombreuses mesures pour limiter les risques : distribution de brochures informatives, mise en place de panneaux d’information, installation de camps et aires de pique-nique grillagés, etc… A noter que la plupart des recommandations ne sont absolument pas applicables pour des marcheurs (rester dans la voiture, enfermer votre nourriture dans la voiture…). Nous débarquons donc avec la (fausse) impression que les dingos vont surgir et nous agresser à tout moment, et sommes sur nos gardes plus qu’à l’accoutumée. Daphné choisit même un bâton parfaitement adapté pour se défendre en cas d’attaque de canidé, et le gardera obstinément jusqu’à la fin de la marche.

 

OK, ça s’annonce fun

 

Lorsque nous faisons une pause au milieu de la forêt après deux heures de marche pour déjeuner, nous guettons et restons sur nos gardes, veillant au dingo voleur de salami. Nous ne nous ferons pas attaquer, et heureusement, car les recommandations dans ce cas sont « restez calme, ne vous enfuyez pas et appelez à l’aide » : voulez-vous deviner combien de personnes, susceptibles d’entendre d’hypothétiques appels à l’aide, nous avons croisé sur le sentier de randonnée en trois jours ? Zéro, c’est exact ! L’avantage, c’est qu’on était tranquilles ! Nous apprendrons aussi a posteriori que les nombreux trous qui ponctuent le sentier sont … les terriers d’araignées mortelles, qui se cachent tranquillement le jour pour ne sortir que la nuit ; heureusement, nous n’y avons pas mis la main !

 

Dans la forêt lointaine, on entend le dingo

 

Vers 15h, nous atteignons le lac Basin, au sable très blanc, et faisons une longue pause. Nous en profitons pour observer les canards et les nombreux têtards : nous en déduisons que ces derniers se reposent uniquement sur leur nombre pour assurer la survie de l’espèce, n’ayant aucune réaction de défense ou même de fuite en cas de perturbation extérieure ou chasse…  Nous reprenons la route pour un dernier tronçon qui croise un joli ruisseau dont les eaux transparentes et peu profondes laissent voir le fond sablonneux. Il est 16h30 quand nous atteignons notre lieu de camp pour la nuit : Central Station. Ce camp est entouré d’une barrière anti-dingos et, si aucun autre marcheur ne plante de tente, une quinzaine de campeurs en 4×4 ont choisi le même lieu de villégiature pour la nuit. Installation du camp, dîner rapide et quelques pages lues sur le Kindle et nous sombrons dans un profond sommeil.

 

Le sable blanc du lac Basin

 

On se sent tout petit… et fatigué !

 

 

Jour 2 : De Central Station au Lac Wabby

23,3km (15,1 km entre Central Station et la camp du Lac Wabby + 8,2 km aller-retour jusqu’à la plage est), 6h10 de marche effective, 8h40 au total

Au lever, l’état des troupes est assez pitoyable : nous sommes tous les deux toujours bien encombrés par une bronchite qui traîne depuis une semaine, nous avons été dévorés par les moustiques la veille au soir et Daphné peine à sortir de la tente, s’étant réveillé avec une douleur lombaire poignante. Etirements et échauffements divers précèdent donc le petit déjeuner, et nous permettent de repartir bonant-malant.

Nous commençons par longer un ruisseau au milieu de très grands arbres, dans une vallée appelée Pile Valley. Nous parcourons ensuite une douzaine de kilomètres à travers une superbe forêt tropicale, plus sèche à mesure que nous avançons vers les dunes de sable de l’Est. De nombreux arbres sont tombés sur le sentier et nous devons parfois les escalader ou les contourner, certains d’entre eux ayant des diamètres de plus d’1,50 m !  Il est midi quand nous atteignons le camp du lac Wabby : chaque site de camping est bien délimité et forme une petite clairière dans la dense forêt, et comporte une plateforme en bois bien pratique pour cuisiner ou poser ses affaires. Chaque site a également une caisse métallique qui permet de mettre à l’abri sa nourriture et ses affaires superflues pour la nuit : officiellement en raison des dingos, mais ça marche aussi pour les autres animaux et pour nous, nous y laissons une partie de nos sacs pour faire une balade aller-retour dans l’après-midi.

 

Les arbres cathédrale de Pile Valley

 

Nous descendons en effet au lac Wabby, qui se découvre devant nous depuis un point de vue : une dune géante ondule sous nos yeux et à son extrémité se trouve le lac aux eaux sombres, bordé sur ses trois autres côtés par la forêt d’un vert foncé intense. Nous y reviendrons, mais filons tout d’abord à travers les dunes jusqu’à la plage Est. Cette fameuse plage – longue de 75 miles (environ 120 kms) ce qui lui vaut son nom – est large et son sable naturellement tassé, ce qui en fait une autoroute parfaite pour les 4×4 : c’est d’ailleurs la seule zone de l’île où la vitesse maximale autorisée est de 80 km/h (contre 30 km/h sur les autres pistes). Plusieurs voitures passent à grande vitesse alors que nous regardons les vagues déferler. Des voitures et minibus de groupes sont également garés près du chemin d’accès au lac Wabby qui constitue un des arrêts phare des tours organisés.

 

East Beach : la plage autoroute

 

L’endroit idéal pour tourner une pub pour un 4×4 !

 

Nous rebroussons chemin et retrouvons les grandes dunes et le lac, dans lequel nous nous baignons : l’eau est fraîche et douce, le sable très fin est parfait pour un spa naturel. Quelques gros poissons passent près de nous et leurs ombres nous frôlent. Nous profitons du soleil de la fin d’après-midi puis remontons à notre camp. Nous y sommes seuls et ce soir, pas de barrière anti-dingos : nous nous hâtons de préparer notre dîner de soupes instantanées et nous couchons juste avant la tombée de la nuit. Il est seulement 18h et nous avons donc un peu de mal à trouver le sommeil, pas vraiment aidés par les bruits de la forêt sauvage. Nous passons finalement une bonne et longue nuit !

 

Le lac Wabby, entre forêt et dunes

 

Que de sable !

 

Jour 3 : Du Lac Wabby à Kingfisher Bay

25,8 km, 6h30 de marche effective, 8h30 au total

La journée s’annonce longue et nous nous réveillons donc avant l’aube pour lever le camp. Nous faisons l’aller-retour jusqu’au point de vue sur le lac pour apprécier le lever de soleil, mais la couverture nuageuse ne nous fera pas cette faveur. Un bol de muesli et un café plus tard, et nous sommes sur le chemin, sacs sur le dos, dès 7h du matin. Nous reprenons une partie du chemin de la veille à travers une forêt d’abord peu dense, puis bifurquons vers l’Ouest pour prendre une partie du sentier qui semble mieux entretenue.

Après 3 heures d’effort nous atteignons le lac McKenzie et sommes éblouis par la blancheur du sable de ses bords, malgré une luminosité faible ! Les eaux sont peu profondes, le lac semble presque plat, ses eaux bleues turquoises invitant à la baignade. Quelques arbres résistants poussent au milieu du sable et sont particulièrement photogéniques. Nous contournons une petite colline et une zone humide pour atteindre la plage principale où plusieurs groupes se baignent déjà. C’est l’heure d’une pause bien méritée, entre trempette et bain de soleil, malgré quelques nuages et un petit vent. Nous déjeunons dans les aires de pique-nique spécialement entourées de barrières dans cette zone, et constatons avec ironie que c’est le premier repas que nous prenons « protégés » de nos amis les dingos en 3 jours …

 

Arrivée au lac McKenzie

 

Puis baignade !

 

Et point de vue en repartant !

 

Nous reprenons le chemin et quittons bientôt la great walk pour rejoindre le sentier d’accès qui mène au quai de Kingfisher Bay. Ici les arbres semblent plus jeunes, peut-être un incendie a-t-il décimé les arbres plus anciens, dont il ne reste que quelques troncs plus larges carbonisés. Nous atteignons une jetée en décomposition, vestige de l’industrie forestière du début du siècle, au même titre que l’ancienne route du chemin de fer qui forme une partie du chemin de randonnée. La dernière heure est agréable, grimpant les falaises calcaires bordées par la baie à l’Ouest, et nous arrivons sans hâte et avec une heure de marge au ponton du ferry. La traversée retour passe très vite, nous sommes captivés par le spectacle du coucher de soleil, du rouge orangée au violet clair et bleu profond ponctué d’étoiles, un des plus beaux que nous ayons vus !

 

Good night and goodbye, Fraser Island

 

Au final, nous avons apprécié la randonnée et sommes contents d’avoir vu Fraser Island de la manière la plus écologique, indépendante et bon marché, ces 3 jours nous ont permis de voir les sites clés de l’île (3 lacs, la plage Est, deux des trois pontons de ferry). Le sentier est en majeure partie dans la forêt, ce qui peut être un peu répétitif, bien que les types d’arbres et de végétation varient considérablement. Une visite en 4×4 aurait cependant permis de voir plus de sites et de s’essayer à la conduite sur sable, peut-être pour une autre fois ! Et pour conclure, nous n’aurons pas vu l’ombre d’un dingo en 3 jours, peut-être ne sont-ils intéressés que par les groupes en 4×4, plus susceptibles de leur donner de la nourriture ?!

 

Plus de photos de Fraser Island, c’est par ici !

 

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Infos pratiques

Transport :

  • Ferry pour Fraser Island : de River Heads (près d’Hervey Bay) à Wanggoolba Creek ou Kingfisher By. Coût de 60 AUD par personne l’aller-retour.
  • De Brisbane à Hervey Bay : 365 km, environ 5 heures. Arrêts dans les Glasshouse Mountains, aux marchés d‘Eumundi et à Noosa.
  • De Hervey Bay à Agnes Water: 300 km, 4 heures de route.

Hébergement:

  • Fraser Island : les campings se réservent à l’avance : en ligne sur QPWS, par téléphone ou en personne à leurs bureaux. Cout 6,25 AUD par personne et par nuit. Nous avons testé pour vous :
    • Central Station : sites individuels avec plateforme bien aménagées pour les tentes et table de pique-nique privatives. Grands sanitaires, évier pour faire la vaisselle, douches chaudes pour 2 AUD les 3 minutes (non testées). Sécurisé par la barrière anti-dingos. Le luxe pour du camping « nature » !
    • Lake Wabby : une dizaine de sites bien plats pour poser la tente, des plateformes en bois bien pratiques pour faire la cuisine ou poser ses affaires, et un coffre verrouillable pour ranger la nourriture (et sacs) pour ne pas attirer d’animaux pilleurs. Très bien pensé pour le randonneur ! Pas de rencontre avec des animaux malgré l’absence de barrière (sauf les féroces moustiques).
  • Hervey Bay : Scarness Beachfront Tourist Park, juste à côté de la plage, installations propres et spacieuses. Mention spéciale pour la gentillesse des employés de l’accueil. Offre à 15 AUD la nuit pour 2 personnes et une tente (ou un van).

 

Visites / activités :

  • Lake Basin: joli mais pas très engageant pour la baignade à cause de ses eaux sombres et sa faible profondeur. A priori reconnu pour observer des tortues, mais nous n’en avons pas vu.
  • Lake Wabby : superbes dunes de sable, lac frais et agréable pour la baignade.
  • Lake McKenzie : belles plages de sable blanc, eau peu profonde et rafraîchissante. Zones de pique-nique grillagées à proximité.

 

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