Mongui – Charme montagnard au pied du paramo

Après Bogota et Villa de Leyva, nous nous écartons légèrement de la route touristique classique pour aller nous perdre dans les montagnes. Direction Mongui, petite commune d’environ 5000 personnes qui fut élue à une époque plus beau village du Boyaca ! L’endroit est aussi compliqué d’accès qu’il est isolé, mais c’est ce qui lui donne son charme. Un petit break de 2 jours hors des sentiers battus, à base d’architecture coloniale, de ballons de foot et de randonnée dans l’écosystème spécifique du paramo !

Rejoindre Mongui demande en effet une certaine motivation : il faut enchaîner trois bus pendant un trajet d’un peu plus de 4 heures pour atteindre cette bourgade depuis Villa de Leyva ! Partis dès 7h du matin, et après avoir changé de transport en commun à Tunja puis Sogamoso, nous arrivons enfin à destination vers 11h. Premier constat : ce n’est pas la foule dans les rues ! Pratiquement pas de touristes, mais pratiquement pas de locaux non plus. Nous commençons à arpenter les ruelles pavées à la recherche d’un hébergement : une vraie partie de cache-cache, puisqu’il n’y a officiellement que 6 hôtels dans la ville, pas tous bien indiqués ! Ce faible choix fait gonfler le prix moyen de la nuit, mais nous parvenons à dégoter une chambre double dans un « hospedaje » sans nom, chez une petite grand-mère prénommée Flor. Une fois installés, nous tentons en vain de nous connecter à Internet, ne comprenant pas l’échec de connexion systématique malgré l’installation récente d’un routeur tout neuf tout près de notre chambre. Ce n’est que quelques minutes plus tard que nous tirerons l’amusante conclusion que notre hôte a sans doute acheté et branché le boîtier en plastique flambant neuf… mais sans souscrire d’abonnement ! Ce n’est pas grave, cela nous fera du bien de nous déconnecter pendant 48 heures !

Et voici Mongui !

 

Les charmantes ruelles, presque désertes

 

Coucou c’est nous !

 

Notre promenade dans le centre commence par l’incontournable plaza mayor du village, caractérisée par sa belle architecture coloniale aux bâtiments peints de vert et blanc. L’église et le cloître – fermés à la visite pour une raison inconnue – complètent magnifiquement l’ensemble de leurs façades en pierre ocre, dominant la placette carrée de la tête et des épaules. Les enfants en uniforme, incluant notamment un chaud pull-over de laine verte, sortent de l’école pour regagner leur maison, forcément située à seulement quelques pas. Notre petit tour de piste est vite effectué, compte-tenu des modestes dimensions du bourg, et nous nous engouffrons dans une gargote pour une almuerzo casero bien mérité. Les quelques locaux présents nous dévisagent étonnés, preuve rafraîchissante qu’il est encore possible de voyager en Colombie dans des endroits peu courus des touristes. Nous avalons notre soupe et notre poulet frit avec des lentilles et du riz devant les nouvelles télévisées concernant les stars sportives nationales : Nairo Quintana sur le Tour de France et James transféré au Bayern de Munich. Même dans ce village si reculé, l’actualité du vélo et du football est suivie de près.

Nous continuons notre visite en nous éloignant un peu plus de la place, par cercles concentriques. Les rues en pente sont raides, et l’altitude de 2900 mètres au-dessus du niveau de la mer impacte implacablement notre rythme cardiaque. Bizarrerie locale, les Monguiseños sont devenus depuis le début du XXème siècle une référence internationale dans… la production de ballons de football en cuir cousus main ! Employant pas moins d’une centaine de personnes dans le village, cette industrie exporte tout de même plus de 300 000 ballons par an dans les pays latins ! Nous atteignons ensuite le Puente Calicanto qui enjambe la rivière, construit en 1603 juste après la fondation de la ville afin de pouvoir acheminer depuis la carrière les pierres nécessaires pour bâtir l’église. Nous dédions la fin de journée à réserver notre guide pour l’excursion du lendemain, puis nous mettons en quête d’un restaurant pour dîner. Nous tombons assez vite sur l’unique établissement ouvert le soir et nous rassasions d’une typique… pizza maison, dans un calme absolu.

De retour de l’école

 

Il y a encore des ballons en stock dans les nombreuses fabriques !

 

Une cohérence urbanistique magnifique

 

Le pont colonial Calicanto sur la rivière

 

Le lendemain, nous nous levons aux aurores pour notre rendez-vous de 6h30 avec Félix, notre guide pour la randonnée du Paramo de Oceta. Nous identifions rapidement ce personnage joyeux et débonnaire sur la place principale, et commençons à grimper au-dessus du village, sous un temps couvert mais plus dégagé que la veille. Les vues sur les alentours deviennent rapidement impressionnantes. En marge du chemin, des statues précolombiennes dédiées à la fertilité ont été édifiées par les paysans du coin. Plus haut, nous atteignons la Caja del Rey (Caisse du Roi), un rocher cubique marqué de deux traits sur le pourtour de sa partie supérieure, faisant immédiatement penser à un couvercle de pierre. La légende associée raconte d’ailleurs qu’un trésor y serait enfoui… ce que deux garçons locaux un peu naïfs ont pris au pied de la lettre, attaquant le roc à coups de hache !

Le paysage commence à changer, et nous passons enfin de vallées alpines au paramo, un rare écosystème tropical formé par des glaciers, qui n’existe qu’entre 3000 à 5000 mètres d’altitude. Il est seulement présent dans quelques pays au monde, dont une majeure partie en Colombie. De nombreuses plantes spécifiques poussent uniquement dans cet environnement, par exemple la chupadora, la pegamosca, le lupino, le chaucho ou le reconnaissable frailejon (espeletia), sorte de plante grasse au tronc épais et aux feuilles velues, capable de retenir une quantité impressionnante d’eau. Cet arbuste emblématique, qui croît en moyenne d’un centimètre par an, illustre d’ailleurs le billet de 100 000 pesos colombien. Avec la brume bruineuse qui nous enveloppe, les pierres grises et la mousse omniprésente, l’ambiance devient rapidement surréelle. Le sol est spongieux, ressemblant à de la tourbe, et nous avons les pieds mouillés : nous sommes bien dans les plaines d’altitude marécageuses typiques du paramo, phénoménal réservoir d’eau.

Notre ami Felix n’est pas seulement guide, mais également historien régional et déclamateur de poèmes. Il ne manque d’ailleurs pas de nous divertir de ses compositions, certaines pour le moins grivoises et osées. Nous arrivons ensuite dans un canyon, dans lequel une sorte de « table » rocheuse était utilisée de façon morbide par les conquistadors espagnols pour décapiter les indiens récalcitrants. Heureusement pour ces derniers, une étroite crevasse juste derrière leur permettait parfois de s’échapper, là où les corpulents espagnols ne pouvaient pas passer. Nous en faisons d’ailleurs l’expérience, mettant de longues minutes pour effectuer une vingtaine de mètres entre deux parois verticales. Un dernier champ de frailejones nous laisse bouche bée, puis c’est le moment de redescendre : il n’est pas possible actuellement d’atteindre le sommet de la randonnée quelques centaines de mètres plus loin et de profiter de la vue sur la Laguna Negra à cause d’un conflit de propriété du terrain entre l’Etat et les paysans locaux, dommage. Nous revenons donc via l’autre côté de la vallée, admirant au passage cascade et nombreuses rivières, puis rentrons en ville vers midi après plus de 5 heures de marche : une excellente balade, un peu exigeante à cause de l’altitude, au sein d’un paysage littéralement bluffant !

Après la pause déjeuner, nous retrouvons Felix autour d’un café pour l’aider à compléter son carnet de vocabulaire en anglais et français. La fin de journée est dédiée au repos à l’hôtel, puis à un nouveau dîner… de pizza, en l’absence d’alternatives et de supermarché ! Un film et une longue nuit concluent cette sympathique étape hors du circuit touristique classique, dans un mignon village de montagne encore authentique, avec la découverte de cet écosystème fascinant du paramo.

De beaux restes pré-colombiens dans le paramo

 

La Caja del Rey, avec son coup de hache en bas à droite !

 

Flore du paramo

 

Des champs de frailejones à perte de vue

 

Mousse, eau, frailejones, brume : bienvenue au Paramo de Oceta

 

Plus de photos de Mongui et du Paramo de Oceta, c’est par ici !

 

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Infos pratiques

Transport :

  • De Villa de Leyva à Mongui : parcours du combattant avec un enchaînement de 3 bus et 4h de route pour arriver à destination. D’abord un bus de Villa de Leyva à Tunja (1h15, 7000 COP), puis un autre de Tunja à Sogamoso (1h40, 7500 COP) et enfin un dernier de Sogamoso à Mongui (40 minutes, 3800 COP).
  • De Mongui à San Gil : route en sens inverse en minibus de Mongui à Sogamoso (1h, 4000 COP), puis long trajet en bus de Sogamoso à San Gil (6h20, 40 000 COP). Ce deuxième tronçon est censé être plus rapide – seulement 5 heures – mais nous sommes repassés par Tunja, avec un arrêt à la clé, qui nous mis en retard d’environ une heure et demie…

Hébergement : Hospedaje Flor, un petit hôtel sans nom indiqué par une simple pancarte « hospedaje » dans la Calle 3.  Sympathique propriétaire, chambre double fraîche mais bien équipée de couvertures, salle de bain partagée (avec nous –mêmes, étant les seuls clients) pour un prix de 50 000 COP par nuit, tarif le moins cher constaté à Mongui. Pas d’Internet lors de notre passage toutefois…

Activités : l’attraction phare est la randonnée dans le Paramo de Oceta. Une seule agence située au coin de la place principale propose la balade pour 38 000 COP par personne, mais il est plus économique de passe directement par l’un des 2 guides recommandés par l’office de tourisme située dans la mairie (toujours sur la place centrale). Nous avons choisi Felix Montañes (téléphone +57 310 782 7469), sympathique et compétent ! Coût de 30 000 COP par personne, en l’occurrence pour un tour privé puisque nous étions seulement tous les deux. Superbe randonnée de 18 km, difficulté moyenne mais rendue plus compliquée par l’altitude – prévoir de s’acclimater un peu avant d’entamer l’ascension.

 

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