Phnom Penh – Capitale moderne et folie des Khmers Rouges

Tranchons de suite le débat, ça se prononce « Pnom pen » et la capitale du Cambodge, seule grande ville du pays avec 2 millions d’habitants, grouille d’activité et d’histoire. Nous sommes réveillés au beau milieu de nos songes et arrivons par le bus de nuit bien plus tôt que prévu dans cette ville inconnue… La probabilité que la réception de l’hôtel soit ouverte à 4h du matin et les tarifs prohibitifs proposés par les chauffeurs de tuk-tuk à cette heure indécente nous convainquent vite d’attendre le lever du soleil dans une supérette 24h/24 toute proche.

Après ce beau début et un petit-déjeuner local de soupe de nouilles et café bien corsé pour nous faire ouvrir les yeux, nous partons à la découverte de la ville, comme à notre habitude en marchant. Nous constatons très vite que le piéton n’est pas vraiment le bienvenu ici : les trottoirs sont inexistants ou remplis de scooters en stationnement sauvage, le trafic dense, et les rayons du soleil se reflétant sur le bitume transforment vite l’atmosphère en fournaise. Les chauffeurs de tuk-tuk l’ont bien compris et nous harcèlent à chaque coin de rue mais nous refusons la plupart du temps. Le front de rivière bordé d’arbres est agréable pour une balade, le vent soufflant sur le remblai apportant une touche de fraîcheur.

Sur un rond point

et au détour d’une ruelle, la poste !

 

Nous passons devant un complexe de temples et, intrigués, entrons. Il s’agit du Wat Ounalom : ce centre du bouddhisme cambodgien comporte une trentaine de bâtiments modernes sans charme. L’atmosphère du lieu est néanmoins paisible et une armée de chats somnole roulés en boule sur les margelles de temples, dans les rayons du soleil du matin. Etape suivante, le Palais Royal ne se visite que partiellement, la famille du roi occupant toujours la majeure partie des lieux. Les pavillons à l’architecture élégante sont disposés dans le jardin fleuri et nous en faisons vite le tour sous une chaleur écrasante. Au sud, l’enceinte religieuse est entourée d’un mur comportant des scènes du Ramayana, malheureusement très abîmée. Clou de la visite, la Pagode d’Argent est pavée de dalles de ce métal précieux polies, pour un poids total de 2 tonnes, un vrai trésor où poser nos pieds ! Pour finir, nous grimpons la butte qui a donné son nom à la ville, Phnom Penh signifiant en effet « la colline de Penh ». Cette dernière était une vieille femme qui aurait trouvé un beau matin 3 statues de Bouddha sur la rive du Mékong et fait édifier un temple pour célébrer l’évènement. Du haut de cette unique irrégularité dans la topographie ultra-plate de la ville, nous contemplons la cité qui s’étend des bords du Mékong à perte de vue.

Petite sieste au Wat Ounalom

 

Fraichement vernies !

Les jardins manucurés du palais royal

Pour un peu de shopping, direction le marché central ! Celui-ci propose de tout, pour tous : de la joaillerie à l’électronique, en passant par les vêtements, les fruits, la viande, sans oublier les coiffeurs et esthéticiennes. Le marché russe, plus au sud, tirerait son nom des expatriés de cette nationalité qui viendrait y faire leurs courses. Les prix y sont un peu plus bas qu’au marché central, et on y trouve globalement les mêmes produits.

 

Dans les allées du marché russe

Comme un ovni, le marché central et son style art nouveau

 

Incontournable bien qu’effroyable, le musée du génocide perpétré par les Khmer Rouges situé dans l’ancienne prison S-21 nous occupe une après-midi entière. Les 4 bâtiments de cet ancien lycée sont disposés en U dans une cour arborée, aujourd’hui si paisible. Le soleil brille fort, comme tous les jours, et pourtant des frissons nous parcourent l’échine en écoutant l’excellente narration de l’audioguide. Dans le premier bâtiment, les salles d’interrogatoires : dans chacune un simple bureau, une chaise et un lit en fer au centre de la pièce, où étaient attachés et torturés les prisonniers. Les sévices duraient jusqu’à l’obtention d’aveux de conspirations, bien souvent imaginaires, apportant ainsi une preuve que le prisonnier était bien un « ennemi », et autorisant ainsi son exécution sommaire dans l’un des 300 champs de la mort ; aucune peine alternative n’existait. Les 3 autres bâtiments comportaient les salles de détention, individuelles au rez-de-chaussée et collectives aux étages. Des panneaux explicatifs et les portraits de centaines de victimes sont affichés, les Khmers Rouges documentant méticuleusement leur entreprise d’extermination. Les détenus étaient en premier lieu les classes bourgeoises et éduquées  (médecins, artistes, professeurs, ingénieurs… ) mais aussi les minorités ethniques, les religieux, et toute personne s’opposant un tant soit peu au système ou ne correspondant pas à l’idéal paysan (portant des lunettes par exemple), puis dans les derniers mois, les victimes des purges au sein du parti, voire même les anciens tortionnaires en disgrâce.

Au-delà de l’horreur, nous sommes frappés par l’absurdité complète du système et l’aveuglement de ceux qui l’ont suivi… Dès leur arrivée au pouvoir, les Khmers Rouges ont vidé les villes et envoyé l’intégralité de la population à la campagne pour créer une société nouvelle, basée sur l’agriculture. Le travail forcé à rythme effréné devait permettre d’effectuer de grands travaux (d’irrigation et de routes notamment) et d’obtenir des rendements extraordinaires, quel que soit le type de terrain attribué. Dans les faits, la population non familiarisée avec les techniques agraires, épuisée et mal-nourrie (par mesure d’économie un simple bol de gruau de riz était servi quotidiennement par personne) ne pouvait pas être efficace. La décimation de toutes les classes éduquées plongea le pays dans une misère intellectuelle et sanitaire : comment effectuer de grands travaux sans ingénieurs et soigner sans médecins ? Le fonctionnement de la machine qu’était la prison S-21 s’inscrit dans cet entêtement dogmatique : son seul but était d’extirper des aveux pour appuyer la théorie conspirationniste, renforcer le pouvoir tout en éliminant les éléments considérés indésirables par le régime.

Et j’ai pleuré, assise sous un frangipanier, en écoutant les plaidoyers de proches des victimes et d’intellectuels au cours des procès des principaux responsables de ces crimes. Que dire de plus que l’urgence de se respecter mutuellement en tant qu’êtres humains, de toujours rester dans la modération et conserver un regard critique, et de ne surtout jamais, jamais, céder aux sirènes haineuses de ceux qui cherchent à nous monter les uns contre les autres. Puisqu’il restera toujours une trace de ces atrocités, on ne peut qu’espérer que ce sombre passé puisse servir de garde-fou aux nouvelles générations.

 

Et, comme la vie est belle ! 

Plus de photos de Phnom Penh, c’est par ici !

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Infos pratiques

Transport :

  • De Siem Reap à Phnom Penh : bus de nuit à 23h avec arrivée à 4h du matin… Coût 9 USD par personne.
  • De Phnom Penh à Kampong Cham : bus à 7h, durée 3h, coût 6 USD parpersonne.

Hôtel : 11 Happy Backpackers, chambre triple avec ventilateur (= sans climatisation) pour 15 USD, bien situé pour les visites culturelles. Terrasse agréable mais bar et restaurant à éviter (chers et pas bons).

Visites :

  • Palais royal : entrée 80 000 KHR, prévoir des vêtements décents (pas de débardeur ou mini-short).
  • Musée de Phnom Penh : entrée 5 USD, quelques belles pièces de sculpture angkorienne, très instructive exposition temporaire sur le Cambodge et la première guerre mondiale.
  • Colline de Penh : belle vue sur la ville, grande stupa blanche et temple, 8 000 KHR.
  • S-21 : entrée 3 USD, audioguide 3 USD. Prendre des photos ne nous a pas semblé approprié, quelques images sur le site du musée: http://www.tuolslenggenocidemuseum.com/. Pour mieux comprendre le régime Khmer Rouge et les années de terreur qui ont conduit à la mort de près de 2 millions de personnes (20% de la population du Cambodge à l’époque), l’article de Wikipédia est très complet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Khmers_rouges , plus synthétique http://sos-racisme.org/khmers-rouges/.

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